Fort de ses 25 ans d’expérience au sein du groupe allemand Merck, Thierry Hulot préside la filiale française de l’entreprise depuis 2017. Pharmacien de formation, il intègre d’abord la recherche et le développement, monte une start-up au sein du groupe pour créer des médicaments, puis dirige les activités industrielles de Merck à l’échelle mondiale. Thierry Hulot revient sur l’importance de l’innovation médicale dans un contexte de crise sanitaire mondiale.

Décideurs. Quelles solutions avez-vous développées pour lutter contre la Covid-19 ? 

Thierry Hulot. Dans un premier temps, il a fallu s’assurer que tous nos sites industriels français continuaient de produire et d’exporter des médicaments pour éviter d’ajouter à la crise sanitaire une éventuelle rupture de stock. Après avoir sanctuarisé cette activité, nous avons redoublé d’efforts dans ke domaine des Life Sciences dédié au développement, à la production et à la commercialisation de produits et services.

Aujourd’hui, Merck est partenaire de presque tous les laboratoires qui font de la recherche sur le vaccin contre la Covid-19. Nous leur fournissons les réactifs, les process industriels ainsi que tous les équipements nécessaires en sciences du vivant et en biotechnologie, et notamment les matières premières pour produire les tests de dépistage du virus.  

Vous avez pris la tête de Merck France en 2017. Quels sont les grands projets que vous avez démarrés et réalisés depuis votre nomination ?  

Mon objectif premier a été de structurer les entités de Merck en France et de bâtir une gouvernance commune entre les onze sites implantés sur le territoire français. Mettre les savoir-faire et les bonnes pratiques en commun est essentiel pour maintenir un cap vers l’innovation médicale. Cela s’est révélé efficace pendant cette crise.

La deuxième priorité était de renforcer l’engagement sociétal de Merck. Je suis persuadé que celle-ci, en tant qu’entreprise de sciences et technologies, a un rôle et une contribution sociétale à mettre en avant, autant en externe qu’auprès de nos collaborateurs. Nous avons donc mis en place une politique RSE plus claire, visant à davantage d’égalité, de diversité et d’inclusion. Merck a notamment été l’une des premières entreprises à publier un index de parité femmes-hommes pour l’ensemble de ses entités, y compris pour celles non concernées par la publication car employant moins de 1000 collaborateurs. 

Enfin, j’avais à cœur de faire évoluer l’accompagnement de ceux d’entre eux qui souffrent de maladies chroniques, afin qu’ils puissent reprendre leur emploi après la phase de traitement et que cela ne soit pas un frein dans leur carrière. Je suis aussi très présent au sein du syndicat professionnel des entreprises du médicament. 

"En France, il faut attendre près de 500 jours avant que les patients puissent bénéficier d'un nouveau médicament"

D’après vous, quels sont les principaux enjeux technologiques pour le secteur de la santé dans les années à venir ?  

Le véritable enjeu se situe autour de l’innovation et du digital, qui sont devenus incontournables pour le secteur de la santé. L’apport du big data doit nous permettre de mieux intégrer et de mieux traiter les données des patients pour améliorer encore plus l’accompagnement personnalisé. 

Pour le patient, l’accès à la technologie et à l’innovation médicale est également un sujet clef sur lequel la France est en retard. Nous entendons souvent que notre système de santé est le meilleur du monde, mais la crise de Covid-19 a aussi révélé sa fragilité. Je pense que pour faire évoluer les choses, il faut beaucoup d’échanges et de médiation avec les sphères politiques et administratives. Ainsi, lorsqu’un médicament est découvert en Allemagne, il est commercialisé à la vente dans les semaines qui suivent. En France, il faut attendre près de 500 jours avant que les patients puissent en bénéficier. Il faut réduire ces délais et donner à l’industrie pharmaceutique les moyens de jouer un véritable rôle dans la simplification et la solidification du système de santé en France.  

Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les valeurs et les ambitions de Merck Healthcare en France ? 

Notre ambition pour Healthcare est de fournir les meilleurs médicaments et services aux professionnels de santé et aux malades. Nous les accompagnons et les soutenons en leur apportant des informations scientifiques et en leur donnant accès aux dernières innovations médicales, et ce, même en cas de crise sanitaire. Plus concrètement, nous agissons au quotidien pourque les Français qui le souhaitent participent par exemple, à un essai clinique lorsqu’une molécule prometteuse est testée.  

Merck veille aussi à garantir un approvisionnement continu qui puisse assurer l’indépendance sanitaire de la France. Nous encourageons également les partenariats entre acteurs du secteur pharmaceutique. Ainsi, Merck codéveloppe et co-commercialise une molécule en immuno-oncologie avec le laboratoire Pfizer. Cette alliance stratégique permet de mobiliser les moyens et les efforts – et donc de co-créer en un temps record – pour amener la France vers le premier grand progrès significatif dans le traitement d’un cancer.

Grâce à ce partenariat, nous avons obtenu une procédure d’accès précoce au traitement pour ceux qui en ont besoin. L’ouverture d’esprit, le développement et la mise à disposition de nouvelles solutions médicales au service de patient coulent dans les veines de Merck. Nous contribuons ainsi à ce que la France reste dans la course à l’innovation.  

Merck France est engagé dans la lutte de plusieurs maladies comme les cancers, la sclérose en plaques, le diabète, ou encore les troubles de la fertilité. Quels rôles jouent l’innovation et la technologie dans ces projets ?  

Des innovations incrémentales peuvent améliorer la qualité de vie et le suivi du patient. Prenons le cas des enfants qui ont un déficit en hormone de croissance. Arrivés à un certain âge, certains d’entre eux ne souhaitent plus recevoir d’aide de leurs parents, préfèrant se faire eux-mêmes les injections. Merck a donc mis en place un dispositif médical simplifié d’auto-injectionconnecté. Après une petite formation, l’enfant peut réaliser ses injections de façon autonome. Avec cette technologie, le professionnel de santé récupère toutes les données pour surveiller la récurrence et les dosages des injections. L’innovation facilite ainsi la prise du traitement, gomme les angoisses liées aux injections et donne davantage d’observance de l’état de santé de l’enfant, tout en lui conférant plus de liberté.  

Autre exemple de technologie connectée, celui des troubles de la fertilité, dans le cadre de Fécondations In Vitro ou d’Inséminations Intra-Utérines, le groupe Merck développe actuellement un dispositif qui offre aux patientes de procéder au dosage hormonal via un test urinaire plutôt que par une prise de sang, lors de la phase de stimulation ovarienne. Réalisé potentiellement à domicile tout en privilégiant une meilleure transmission des données, de manière sécurisée, il pourrait contribuer à améliorer leur prise en charge dans leur parcours d’Aide Médicale à la Procréation (AMP). 

Propos recueillis par Laura Breut