Un des textes les plus importants du pacte vert européen a été adopté dans des conditions inhabituelles.

Visant à lutter contre le déclin de la biodiversité, la loi sur la restauration de la nature impose aux États de l’Union européenne de remettre en bon état les terres et mers endommagées. Le calendrier est ambitieux : rétablissement de 30 % des écosystèmes dégradés d’ici à 2030, 60 % en 2040 et 90 % en 2050. Ce sont près de 80 % des habitats naturels qui sont concernés au sein de l’Union, avec une priorité pour les zones Natura 2000. Un texte structurant qui aura donc un impact majeur et qui a sans surprise fait grincer certaines dents, en particulier celles des agriculteurs.

Volte-face autrichien

Les choses semblaient pourtant mal parties pour ce règlement européen : la Hongrie avait décidé de s’y opposer, empêchant ainsi l’adoption du texte à une majorité qualifiée. L’arrivée des Hongrois à la présidence tournante de l’Union le 1er juillet laissait présager que la loi serait tout simplement enterrée pour plusieurs mois au moins.

Mais suite à un retournement de situation inattendu, le conseil des ministres de l’Écologie réuni le lundi 17 juin a finalement adopté le texte au dernier moment. La ministre autrichienne Leonore Gewessler a en effet décidé d’apporter les voix de l’Autriche en appui du texte. Un revirement qui permet à la proposition de loi de compter le soutien de quinze pays représentant au moins 65 % de la population, seuil nécessaire à l’obtention d’une majorité qualifiée. Si un tel changement de position n’est pas franchement inhabituel, la négociation de dernière minute étant après tout une spécialité bruxelloise, la décision de Leonore Gewessler s’inscrit en opposition directe avec les directives de son gouvernement.

Un cas de conscience

La ministre se justifie en déclarant : "Ma conscience me dit sans équivoque que lorsque le bonheur des générations futures est en jeu, des décisions courageuses sont nécessaires », ajoutant qu’« aucun gouvernement ni aucun parti ne peut ignorer les intérêts de la protection de l’environnement et de la conservation de la nature".

Au-delà de la position morale, la ministre se paye un bon coup de pub avant les élections législatives autrichiennes de septembre prochain. Furieux, le chancelier Karl Nehammer, chef du gouvernement autrichien, l’accuse d’abus de pouvoir et déposera un recours en annulation devant la Cour de justice de l’Union européenne, ajoutant au passage que "personne n’est au-dessus des lois". Le résultat de ce recours prendra du temps à arriver, mais en attendant le Conseil européen considère le vote de la ministre comme valide.

Si elle provoque une crise gouvernementale en Autriche, cette décision permet donc au texte européen le plus controversé des cinq dernières années de s’appliquer enfin, après son adoption dans la douleur par le Parlement européen en février. Reste à voir si certains gouvernements ne freineront pas trop des quatre fers.

François Arias

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