Du simple pansement à l’appareil d’IRM en passant par les béquilles, 10 000 catégories de produits de santé sont regroupées sous l’appellation de "dispositif médical". Destinés à améliorer ou sauver des vies, ces matériels doivent répondre à une évaluation rigoureuse avant d’être commercialisés. C’est parce que certains d’entre eux ont fait les gros titres pour leurs caractères défectueux que l’Europe entend, avec cette nouvelle législation, rendre ces DM plus sûrs à horizon 2024. Pourtant, les organismes certificateurs font face à des demandes de plus en plus importantes.
Des dispositifs médicaux plus fiables
La nouvelle réglementation, qui intervient notamment après le scandale des prothèses mammaires défectueuses PIP, vise à offrir aux bénéficiaires des dispositifs médicaux plus fiables. Mise en cause du fait de ses défaillances, la réglementation européenne impose désormais à chacune des pièces et composantes de ces produits de faire l’objet de tests pointus. Dorénavant, les fabricants doivent répondre à une obligation d’évaluation de leurs DM lors d’une phase clinique afin de garantir leur efficacité et leur sécurité pour le patient. En parallèle, ces changements comprennent un volet dédié à l’information éclairée des acteurs qui pourront, par le biais de la nouvelle base de données européenne Eudamed, connaître les DM disponibles sur le territoire, les possibles incidents relatifs ainsi que les avancées des investigations cliniques. Selon Cécile Vaugelade, directrice des affaires technico-réglementaires du Snitem, le syndicat professionnel du dispositif médical, cet aspect de la réglementation constitue "l’une de ses grandes évolutions". Enfin, le processus d’habilitation des organismes certificateurs et les contrôles post commercialisation ont été renforcés.
Seuls 1100 certificats sur les 25 000 à délivrer ont été accordés
Une extension des délais
Après une année de période de transition, l’ensemble des dispositifs médicaux en circulation sur le territoire européen ainsi que les nouveaux produits devront subir une mise en conformité dans le respect du règlement 2017/745 d’ici au 26 mai 2024. C’était sans compter le délai nécessaire pour décrocher ce précieux sésame, lequel a entretemps triplé, passant de 6 à 18 mois. À l’heure actuelle, seuls 1100 certificats sur les 25 000 à délivrer ont été accordés. En réponse à ce déferlement, les industriels ne disposent que de 30 organismes européens vers qui se tourner dont seulement un en France. À ce titre, Cécile Vaugelade rappelle que "comme les industriels, les organismes notifiés doivent se mettre à niveau quant à leurs nouvelles missions qui supposent une charge de travail plus importante, notamment du fait de la nécessité d’évaluation des produits existants comme si c’était de nouveaux produits". Dans le même sens, elle indique que le nombre d’organismes notifiés "n’est pas le seul point de contention, il faut prendre en compte leur capacitaire et leur scope d’action respectif. Dans les mois à venir, un second organisme français de certification devrait être notifié". Faute de certification, les commercialisations de nombreux produits se voient fortement retardées.
"Le risque est d’assister à de plus en plus de lancement dans d’autres pays qu’en Europe"
Des retombées handicapantes pour les start-up et les PME
Parmi les 1500 entreprises qui composent le paysage hexagonal du dispositif médical, 93% d’entre elles sont des start-up et des PME. Si ces nouveaux contrôles font enfin souffler un vent de rigueur en matière de sécurité des DM, les start-up, premier acteur innovant, se confrontent peu à peu à un parcours administratif plus complexe. À cet égard, Cécile Vaugelade précise que "le choix de l’organisme notifié est libre, mais une limitation de l’offre pourrait avoir un impact sur notre tissu industriel". Pour les sociétés innovantes, "le risque est d’assister à de plus en plus de lancement dans d’autres pays qu’en Europe". Dans ce contexte, le plan d’investissement intitulé "France 2030" prend d’autant plus de sens. Dévoilé en février dernier, il permet d’investir massivement "dans le développement de technologies de dispositifs stratégiques, […] faciliter l’accès des établissements de santé aux dispositifs médicaux innovants, soutenir des projets d’industrialisation et réduire les délais d’accès au marché". Dans ce plan de relance, qui prévoit de mobiliser 7,5 milliards d’euros pour le secteur de la santé, 400 millions d'euros seront dédiés à l'accompagnement des sociétés du dispositif médical. De quoi revigorer la compétitivité française en la matière.
Léa Pierre-Joseph