Nouvelles thérapeutiques, nouvelles organisations techniques et managériales… l’innovation à l’hôpital constitue un levier pour améliorer la qualité des soins, optimiser les ressources disponibles ou encore réduire les coûts de prise en charge. Le succès repose sur un management approprié et obéit à quelques règles. Décryptage.
Avant d’aller plus loin, attardons-nous sur ce qu’est l’innovation. Elle peut aussi bien être inédite et disruptive que relever de l’application d’une molécule, d’une technique ou encore d’une méthode de travail existantes à un nouveau domaine. Pour le Professeur Brice Gayet, chirurgien digestif à l’Institut mutualiste Montsouris à Paris et cofondateur de Moon Surgical qui développe une plateforme d’assistance chirurgicale robotisée et collaborative, l’innovation en médecine doit générer deux progrès : améliorer la prise en charge des malades et coûter moins à l’Assurance maladie, et donc à la collectivité. C’est ce qu’il rapportait le 7 juin dernier, lors d’un colloque "Bien innover pour mieux soigner", organisé par l’École des hautes études en santé publique. "Innover, c’est trouver des solutions nouvelles à des problèmes anciens", a ajouté de son côté Florence Favrel-Feuillade, directrice générale du CHRU de Brest.
Être ouvert sur l’écosystème de l’innovation
Tous s’accordent sur l’importance de développer à l’hôpital une culture de l’innovation, à tous les niveaux. Elle doit venir du terrain et des métiers. "Chacun doit sentir qu’il peut et même qu’il doit innover dans ses processus", a tenu a rappelé Enguerrand Habran, directeur adjoint du pôle accompagnement et chargé de l’animation territoriale à l’Agence de l’innovation en santé. C’est en effet dans la connaissance fine des usages que se trouvent les gisements d’innovation. Florence Favrel-Feuillade a complété : "Il faut aussi être ouvert au partage de cultures différentes et en capacité de collaborer avec des entreprises." D’où l’importance d’avoir dans les établissements de santé des interlocuteurs dédiés à l’innovation qui ont l’habitude de projets collaboratifs ou de coopérer avec des start-up. "Travailler avec un hôpital est éminemment complexe, avoir des interlocuteurs dédiés est rassurant pour les start-up qui peuvent obtenir des réponses plus rapidement. Aujourd’hui, certains établissements de santé mettent un an à dire non à une entreprise…", a témoigné Enguerrand Habran.
Vers de nouvelles modalités d’évaluation
Une innovation pour être pertinente doit aussi pouvoir être évaluée. Parce qu’elle doit apporter une plus-value sur ce qui préexiste, "prouver et évaluer cette création de valeur (économique, éthique, managériale…) est important, a souligné Armelle Dion, directrice Innovation des Hospices civils de Lyon. C’est la diversité des champs de valeurs générés par l’innovation qui fait tout son intérêt dans un hôpital." Si l’évaluation randomisée par des cliniciens reste le "gold standard" des évaluations thérapeutiques, le professeur Brice Gayet a annoncé une révolution à venir dans le monde hospitalier. "Demain, les vraies innovations proviendront de la génomique et des NBIC à savoir les nanotechnologies, les biotechnologies, les sciences de l’information et les sciences cognitives". Or, ces innovations ne relèvent pas des cliniciens. "Ils vont devoir évaluer des techniques qu’ils ne mettent pas au point…", a-t-il fait observer. Le monde hospitalier devra certainement s’entourer des compétences nécessaires, car l’innovation, même si elle change de forme est nécessaire pour adapter les établissements de santé aux nouveaux enjeux de santé. "Il faut oser l’innovation à l’hôpital, a martelé la directrice générale du CHRU de Brest. C’est ce qui fera l’attractivité de nos établissements demain". Et, peut-être, un levier pour juguler la pénurie de professionnels de santé à l’hôpital ?
Pierre Derrouch