Les résultats ne sont pas rassurants. Que ce soit pour l’accessibilité des médicaments, leur disponibilité ou l’attractivité du territoire pour le financement de la recherche et du développement, l’industrie pharmaceutique française est en perte de vitesse au niveau européen. C’est l’amer constat dressé par le Leem.
Les premiers résultats de l’Observatoire de l’accès aux médicaments et de l’attractivité de la France, mis en place par l'organisation professionnelle des entreprises du médicament opérant sur notre territoire avec l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale 2023 et révélés le 27 juin dernier, sont sans appel. "La France est un élève très moyen de l’Europe et loin de pouvoir revendiquer une position de leader en santé comme le souhaite le gouvernement", a déploré Christophe Durand, président de la commission Accès des patients au progrès thérapeutique du Leem. Voici pourquoi.
Des instructions trop lentes
Notre pays pâtirait de délais d’accessibilité et de disponibilité des produits pharmaceutiques trop longs. Là où la directive Transparence de l’Union européenne préconise de ne pas dépasser les 180 jours pour instruire les étapes allant de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) jusqu’au remboursement effectif des médicaments, la France se distinguerait par une relative inertie administrative. L’étude du Leem menée par le cabinet de conseil Roland Berger a ainsi montré que 34 % des médicaments ayant reçu une AMM au niveau européen entre 2018 et 2021 n’étaient pas disponibles en France, dont un tiers étaient toujours en cours d’évaluation ou de négociation. En moyenne, "les patients français ont accès à leurs médicaments 380 jours après les patients allemands, 179 après les patients anglais et 72 jours après les patients italiens", a détaillé Julien Gautier, senior partner chez Roland Berger. "Améliorons le process si nous voulons vraiment être une nation innovante et leader en santé", a appuyé Thierry Hulot, président du Leem.
"Les patients français ont accès à leurs médicaments 380 jours après les patients allemands, 179 après les patients anglais et 72 jours après les patients italiens"
Quid de la récente réforme sur l’accès précoce à l’innovation, et qui concerne 51 000 patients ? A-t-elle porté ses fruits ? Thierry Hulot s’est félicité de ce mécanisme dérogatoire pour les patients en situation critique sans alternative thérapeutique. Mais, il a dénoncé une absence de financement qui, selon lui, risque de le condamner à terme.
Une attractivité en demi-teinte
Qu’en est-il de l’attractivité ? "L’investissement en R&D est stable", a rapporté Julien Gautier. Un point positif aussitôt nuancé par Christophe Durand rappelant que "nous n’avions pas encore réussi à trouver la recette pour enclencher l’attractivité du territoire, notamment sur la production stratégique des produits biologiques". Concernant les essais cliniques, la France, en 3e position au niveau européen, s’est fait damer le pion par l’Espagne qui mène une politique très volontariste en la matière. Pourquoi cela bloque-t-il chez nous ? Les industriels sondés ont dénoncé une complexité administrative rédhibitoire, des coûts élevés de production et l’incertitude du retour sur investissement. La faute à un manque de cohérence entre l’intention politique et sa mise en œuvre par les corps administratifs, a renchérit Christophe Durand : "Vous ne pouvez pas demander à un industriel d’investir 1 milliard d’euros dans une usine de bioproduction s’il n’est pas en mesure de valider l’accès à la molécule produite sur le territoire français." En outre, a regretté le président du Leem, les médicaments sont devenus au fil des ans la variable d’ajustement de l’Objectif national de dépenses d'assurance maladie, l’Ondam, passant de 12 % en 2010 à 9 % aujourd’hui. Il espère vivement que la photographie produite par l’observatoire et qui doit être réitérée tous les ans "deviendra la boussole de nos politiques et de l’administration dans la gestion du médicament en France". À bon entendeur…
Pierre Derrouch