La crise sanitaire du Covid-19 avait permis d’acter l’intérêt de la télémédecine pour assurer le continuum sanitaire en période de confinement et réduire l’exposition au virus. Certains prédisaient un retournement une fois les mesures restrictives levées. Qu’en est-il vraiment ?

Depuis son entrée progressive dans le droit commun à partir de 2018, la télémédecine n’a cessé de se développer. Cette pratique médicale en regroupe quatre : la téléconsultation, la télésurveillance, qui, depuis le 1er juillet, bénéficie d’un remboursement par l’assurance maladie, la télé-expertise et la téléassistance.

Des pratiques à consolider 

Après la période du Covid, les téléconsultations ont enregistré un recul. Selon les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) publiés en décembre 2022, les médecins généralistes libéraux en ont effectué 13,5 millions en 2020 pour "seulement" 9,4 millions en 2021. Cette baisse relative au regard des 80 000 téléconsultations réalisées en 2019 était prévisible. "Après la crise sanitaire, on a assisté à un rejet du tout digital. Les praticiens et les patients sont en quête d’un contact physique, ce qui explique ces chiffres. Mais, je pense que 2023 sera une année un peu plus stable", analyse Émilie Mercadal, CEO de Rofim, un des acteurs français de la télémédecine. Pour la Drees, le recours à la téléconsultation s’installe malgré tout comme une pratique pérenne. Ajoutons qu’elle n’est de toute façon pas adaptée à chaque situation médicale. "Nous l’avons développée pour la consultation préanesthésique avant une opération, afin d’éviter la venue des patients", indique-t-elle. Avec le développement de la chirurgie ambulatoire, la téléconsultation se prête aussi au suivi post-intervention. 

Des bénéfices partagés 

La télémédecine constitue indéniablement un changement d’organisation pour les professionnels de santé. Pour Émilie Mercadal "il est important de les accompagner dans cette évolution des pratiques médicales qui leur permet d’avoir plus de temps au profit des patients". La technologie contribue également à fluidifier les prises en charge, à diminuer les déplacements des usagers de services de santé (à titre d’exemple, Rofim a évalué ceux évités à 352,7 km par patient, sur une moyenne de 30 patients), ou encore, à réduire l’engorgement des services d’urgences hospitaliers. C’est le sens du projet de parcours de soins post-urgences intégrant la télésurveillance et développé par le Groupement des hôpitaux de l’institut catholique de Lille avec Medaviz, un autre opérateur français de plateforme de télémédecine. Des bénéfices sont aussi à trouver dans le mieux-être des praticiens. Dans l’émission "Ubérisation de la santé, c’est grave docteur ?" diffusée le 17 juillet sur France Inter, le docteur Julie Salomon, pédiatre à l’hôpital Necker et directrice médicale de la plateforme de téléconsultation Qare, rapportait qu’elle appréciait pouvoir partager son activité hospitalière avec celle de manager : "La possibilité d’exercer la médecine d’une autre façon constitue une manière de respirer pour les médecins qui leur permettrait de faire baisser la pression qu’ils subissent au quotidien". Émilie Mercadal fait le même constat, dans les centres d’oncologie notamment avec lesquels travaille sa société. L’organisation d’après-midi uniquement dédiées à la consultation en distanciel est plus confortable et moins stressante pour les praticiens. "Ils ont à disposition toutes les informations numérisées sur le patient et perdent moins de temps."

De nouveaux rythmes se mettent en place qui redessinent les pratiques et la relation médecin-patient. Le fameux "colloque singulier" s’inscrit désormais dans un exercice aux formes plurielles. 

Pierre Derrouch