Depuis 2018, la Fédération hospitalière de France expérimente le concept de responsabilité populationnelle. Basé sur la prévention et les besoins de santé propres à chaque territoire, il est déjà déployé dans plusieurs pays. A-t-il un avenir chez nous ?

La responsabilité populationnelle s’inscrit dans une logique d’organisation territoriale et poursuit trois objectifs pour une population définie : une meilleure santé, une meilleure prise en charge par un ensemble d’acteurs de santé du territoire concerné, à un meilleur coût. En cours d’expérimentation, elle est inscrite depuis 2019 dans le code de santé publique.

Un système de stratification

Pour évaluer et défendre la pertinence du modèle, la Fédération hospitalière de France (FHF) s’est concentrée sur deux pathologies chroniques : l’insuffisance respiratoire et le diabète de type 2, dans cinq territoires : l’Aube et le Sézannais, la Cornouaille, le Douaisis, les Deux-Sèvres et la Haute-Saône. Le cadre de mise en œuvre retenu se décline en plusieurs étapes :

  • la définition des populations cibles ;
  • l’évaluation de leur niveau de risque ou de la gravité de leur pathologie pour les situer dans une pyramide comprenant plusieurs strates d’évolution ;
  • l’identification des recommandations de bonnes pratiques des sociétés savantes pour définir un programme clinique adapté aux populations retenues. Des logigrammes construits sur ces recommandations vont permettre aux généralistes en première ligne de s’assurer que tout a été fait pour qu’un patient soit le mieux pris en charge possible. "Ils se plaignent de ne pas pouvoir suivre les recommandations de la Haute autorité de santé qui sont très longues et complexes. Pour la première fois, on leur donne les moyens d’atteindre et de suivre l’excellence clinique", rapporte Antoine Malone, le monsieur Responsabilité populationnelle pour la FHF et ardent promoteur de ce modèle ;
  • le recensement des multiples acteurs locaux : médecins hospitaliers et de ville, communautés professionnelles territoriales de santé, dispositifs d’appui à la coordination, associations de patients, pharmaciens, infirmières de santé publique qui vont au contact de la population pour réaliser des actions de prévention et de dépistage lors d’événements sportifs, dans des centres sociaux, des associations, des épiceries solidaires… ;
  • la mise en œuvre du programme, de l’intégration des patients jusqu’au suivi avec des indicateurs d’évaluation.

L’objectif est de maintenir les personnes incluses dans une strate, en évitant que leur état ne se dégrade. "En fonction des catégories de patients, les acteurs de santé d'un territoire donné vont exécuter les meilleures pratiques à chaque stade, afin de retarder le plus possible l’évolution vers la catégorie supérieure et la prise en charge hospitalière", résume dans une communication le professeur Éric Vibert, chirurgien spécialiste des maladies du foie et des voies biliaires à l’hôpital Paul-Brousse, à Villejuif.

Vers une généralisation du modèle ?

Deux effets notables ont déjà été observés depuis le lancement de l’expérimentation. La part des admissions via les services d’urgence pour le diabète de type 2 est globalement en baisse. Ainsi, en Haute-Saône, est-elle passée de 20 % au 1er semestre 2019 à un peu plus de 5 % en 2022. Quant à la part de l’ambulatoire en lien avec le déploiement du programme, elle a augmenté dans les cinq territoires.

La FHF parviendra-t-elle à faire de ce modèle le système de référence en santé au niveau national ? D’ici là, de nouveaux territoires vont se lancer dans l’expérimentation, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou encore en Lorraine avec l’intégration de patients présentant des fragilités liées au grand âge.

Pierre Derrouch