Les technologies numériques au service de la santé et du bien-être des femmes ont pris de l’ampleur ces dernières années. Ce secteur connaît un fort engouement, en France comme à l’étranger. Explications.
Imaginé en 2016 par Ida Tin, fondatrice de Clue, l’application de suivi des règles, le terme femtech est l’abréviation de female technology. Il recouvre l’ensemble des technologies et solutions mises au point pour répondre à un besoin dans le secteur de la santé des femmes. Delphine Moulu, cofondatrice de l’association Femtech France créée en septembre 2022 et du FemTech program de Station F, en dit plus sur l’origine du terme : "Ida Tin est partie du constat que la health tech ne concernait finalement que la santé des hommes. Elle a senti le besoin de créer une catégorie à part, pour mettre en lumière le fait que la technologie ne s’adressait pas encore à la santé des femmes." Depuis, l’écosystème s’est développé. Il couvre aujourd’hui un large panel de thématiques. C’est ce que montre le premier baromètre de Femtech France réalisé avec le cabinet Wavestone et publié en juin 2023. Sur les 71 start-up qui ont répondu à l’étude quantitative, 1 % est dédié à la contraception, 4 % le sont à la santé pelvienne, 6 % à la pré et post-ménopause, 8 % à la sexualité, 10 % au cancer, 11 % aux pathologies chroniques, 13 % à la maternité et au post-partum, 23 % à la santé reproductive et 24 % à la santé globale.
Un marché en croissance
D’un point de vue économique, ces 71 start-up représentent un chiffre d’affaires global de 30,6 millions d’euros pour l’année 2022. À l’échelle mondiale, le marché bouge vite, comme l’a rappelé Delphine Moulu lors d’une soirée débat inter-Alumni - Femtech organisée par AgroParisTech Alumni le 16 mai 2023, "Innovation en santé des femmes, où en sommes-nous ?" : "On estimait que la femtech atteindrait 50 milliards de dollars dans le monde en 2025, elle les a atteints en 2022." De nouvelles projections tablent sur 100 milliards de dollars à l’horizon 2030. Les États-Unis sont les plus avancés, grâce notamment à des fonds d’investissement dédiés à la femtech. Le Royaume-Uni fait également partie des leaders du marché, comme la Suisse. De son côté, l’École Polytechnique de Lausanne (EPFL) a lancé en 2021 l’incubateur Tech4Eva qui fait office de référence en Europe.
"Les choses n’avancent pas aussi vite qu’elles apparaissent dans les médias…"
Pour les femmes, par les femmes
Cela n’étonnera personne, 96 % des sociétés étudiées par Femtech France ont été créées par des femmes. Elles ont logiquement été les premières à croire à l’intérêt et au potentiel de ce marché. De l’intuition, « de la vista » mais aussi un savoir-faire entrepreneurial certain. L’association a recensé près de 120 start-up sur le sol français. Le baromètre nous apprend que 73 % de celles qui ont participé à l’enquête proposent leurs produits ou services en France et à l’international. Le créneau est donc porteur. Pour autant, cet entre-soi peut représenter un frein au développement. Ce sont les chiffres qui le disent. Selon l’édition 2022 du baromètre Sista x BCG sur les conditions d’accès au financement des femmes dirigeantes de start-up, les équipes féminines sont 4,3 fois moins bien financées que leurs homologues masculines. Un autre chiffre témoigne des difficultés de ce nouveau secteur à attirer les investisseurs : les équipes 100 % féminines lèvent 4,3 fois moins que les équipes 100 % masculines. Ce qui a conduit Juliette Mauro, fondatrice de FemTech France et CEO de My S Life, à faire ce constat lors la table ronde "De la levée de fonds à la solution à impact : focus sur le domaine de la femtech", organisée par PariSanté Campus le 13 juin dernier : "Les choses n’avancent pas aussi vite qu’elles apparaissent dans les médias…"
Pierre Derrouch