Médiatisés sous l’acronyme DTx, les dispositifs médicaux numériques à visée thérapeutique peinent à trouver leur place dans le champ du soin. L’écosystème s’organise et l’Etat et ses représentants sont à la manœuvre pour leur ouvrir la voie. Explications.

Qu’est-ce qu’un DTx ? Bien qu’il n’existe pas de consensus sur l’acception de l’acronyme, Anne-Marie Armanteras de Saxcé, présidente du think thank Health & Tech, en a donné cette définition le 12 octobre dernier, lors des Grands dossiers de la protection sociale 2023 de l’École nationale supérieure de Sécurité sociale (EN3S) : "Il s’agit d’un dispositif [numérique] connecté au corps qui intègre un médicament en même temps que l’analyse de la dose et du moment de son injection". Les DTx se développent notamment dans le champ de la santé mentale et du diabète. Mais, comme l’a souligné Franck Le Meur, président-fondateur de TechToMed, le 13 juin 2023 lors du Campus Live, les industriels font face à un défi majeur d’adoption et d’usage de ces solutions : "Les DTx ont trop peu de patients et de prescripteurs." Ces derniers ont besoin de se reposer sur des DTx validés par les tutelles. Le décret du 30 mars 2023 qui a ouvert la voie à la prise à la prise en charge anticipée de dispositifs médicaux numériques (DMN) à visée thérapeutique présumés innovants devrait favoriser leur diffusion. D’une durée d’un an, sans renouvellement possible, ce mécanisme dénommé Pecan "est l’antichambre du cadre de droit commun et du remboursement de prise en charge standard", comme l’a fait valoir Corinne Collignon, cheffe de la mission du numérique en santé de la Haute Autorité de santé (HAS), lors d’un webinaire sur la préparation d’un dossier en vue de l’évaluation d’un DMN le 29 septembre dernier. 

L’union fait la force 

De leur côté, les industriels s’organisent pour dépasser les écueils qui freinent l’arrivée sur le marché des DMN. L’une de ses représentantes, l’association France Biotech, a annoncé le 13 septembre dernier la création d’une task force DTx. Elle a vocation à établir des modalités d’interaction avec les pouvoirs publics, peser sur le niveau de preuves attendu par la HAS, construire une filière des thérapies numériques, réfléchir aux modèles économiques… S’il est trop tôt pour préjuger de son efficacité – ses travaux viennent de commencer – Vincent Vercamer, directeur de projets à la Délégation ministérielle au numérique en santé (DNS), voit plutôt d’un bon œil la création de ce groupe de travail. "Cela montre que l’écosystème s’organise et se structure. Cela donne également la possibilité d’avoir des interlocuteurs qui sont force de proposition et capables de fédérer les  difficultés rencontrées par les acteurs [des DTx] sur le terrain, mais aussi de faire émerger des besoins et des points de vue différents de ceux que l’on peut avoir au ministère de la Santé", a-t-il confié à Santé Future. 

Un cadre évolutif 

Il reste encore à finaliser le cadre réglementaire, dont les arrêtés tarifaires pour ces prises en charge dérogatoires. Il convient également de clarifier le processus de distribution des DTx, et ce qui se passe entre leur prescription et leur activation par les patients pour commencer à les utiliser, en passant par leur facturation. "Il faut que ce soit simple et lisible pour que les entreprises postulant à une prise en charge anticipée déposent des dossiers pertinents", a fait remarquer le directeur de projets de la DNS. Les textes sont attendus pour la fin de l’année 2023.  

L’importance du volume de dossiers qui seront adressés à la HAS attestera de l’attractivité du dispositif pour les entreprises. Dans le cas contraire, la cause sera à rechercher dans un manque de maturité de ces dernières tant au niveau des preuves cliniques que de la conformité réglementaire (les DTx doivent avoir le marquage CE et être conformes aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité de l’ANS, comme au RGPD)… Vincent Vercamer se veut optimiste : "La stratégie nationale du numérique en santé comprend des actions permettant de financer des études ou encore l’accompagnement pour le marquage CE." Et, si d’aventure le cadre se révélait trop restreint, la DNS ne s’interdit pas de le desserrer, "tout en gardant un niveau d’exigence élevé", nous a-t-il affirmé. Restera alors à trouver le bon réglage.  

Pierre Derrouch