Autrefois considérée comme une pratique marginale, l’hypnose a réussi à s’établir dans le paysage médical français au cours des trente dernières années en démontrant son efficacité clinique pour la gestion de la douleur et de l’anxiété.
Des institutions hospitalières de premier plan de l’Hexagone ont été des précurseurs en matière d’intégration de l’hypnose dans leurs pratiques. L’Hôpital universitaire de La Pitié-Salpêtrière à Paris, le Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph (GHPSJ), les Hospices civils de Lyon, pour ne citer qu’eux, ont adopté l’hypnose dans leurs services médicaux, notamment pour les anesthésies. La pratique ne cesse de gagner du terrain, au point que, selon le docteur Marie-Charlotte Desmaizières, anesthésiste et hypnopraticienne au GHPSJ, "on trouve au moins un hypnopraticien dans chaque hôpital", comme elle le révélait lors du colloque sur la douleur, organisé en mai 2023 par Pharmaceutiques TV.
Un large panel d’interventions
De nombreuses études ont mis en évidence l’efficacité de l’hypnose pour réduire l’anxiété chez les patients avant une intervention chirurgicale, diminuer la dose d’anesthésiants et de sédatifs nécessaires lors d’interventions chirurgicales mais aussi amoindrir les effets secondaires postopératoires comme les nausées et les vomissements et faciliter une récupération plus rapide après une opération. L’hypnosédation est de plus en plus acceptée et recherchée par le grand public pour gérer la douleur et le stress. "On voit dans notre hôpital des patients qui viennent de toute l’Île-de-France parce qu’ils veulent leur examen sous hypnose. Ce peut être des patients âgés qui ont peur des troubles de mémoire liés à une anesthésie ou des patients qui ont retardé leurs examens pour cause de phobie due à une anesthésie s’étant mal passée dans l’enfance", a-t-elle rapporté en substance.
Aujourd’hui, l’hypnose et plus spécifiquement l’hypnosédation sont utilisées dans une variété d’interventions : chirurgie du cerveau, du sein, de la thyroïde, du système veineux mais aussi chirurgie à haut risque comme celles des carotides pour prévenir un accident vasculaire cérébral. En disséquant l’artère au niveau du cou pour retirer une plaque d’athérome, un élément peut migrer vers le cerveau. "On doit garder le patient éveillé en lui serrant la main et en lui parlant pour évaluer son état neurologique pendant l’intervention", explique le Dr Alexandra Hauguel, chirurgien vasculaire à l’Hôpital Marie Lannelongue, à Paris. Ce que permet l’hypnose.
La healthtech au chevet des anesthésistes
Parallèlement, cette technique évolue avec l’introduction de nouvelles technologies dont la réalité virtuelle. Des start-up françaises comme Healthy Mind ont combiné l’hypnose et la réalité virtuelle pour créer des environnements thérapeutiques immersifs, offrant aux patients une expérience de soins apaisante et efficace, sans recourir aux médicaments. "On trompe le cerveau en lui faisant croire qu’il est à un autre endroit", résumait Étienne Lepoutre, directeur général de Bliss DTx lors du colloque Douleur. Si avec la réalité virtuelle, on est plus dans la distraction qu’avec l’hypnose formelle dont les effets sur le cerveau sont avérés, "un simple casque de RV peut donner satisfaction à de nombreux patients dans le cadre d’une coloscopie", a indiqué le docteur Marie-Charlotte Desmaizières. La réalité virtuelle utilise un discours hypnotique construit comme une séance d’hypnose, en y associant de l’image, des sons, de la musique qui vont permettre au patient de se relaxer. Reste que les preuves cliniques manquent encore concernant l’efficacité de cette technologie pour assurer son développement dans les établissements de santé. Étienne Lepoutre en a convenu : "On vit dans un monde de preuves cliniques et de protocoles. Il faut qu’on produise des preuves et qu’on aille au-delà de la conviction et du bouche-à-oreille pour développer ces techniques". Le train est en marche cependant, en atteste la Journée mondiale de l’hypnose organisée fin janvier 2024 à l’Hôpital Paris Saint-Joseph qui accordait une bonne place à cette technologie.
Pierre Derrouch