Lors de son discours de politique générale, le 30 janvier 2024, le nouveau Premier ministre Gabriel Attal a déclaré que la santé mentale des mineurs devait faire l’objet d’une prise en charge renforcée. Dans un contexte de pénurie de ressources médicales en la matière, la e-santé a une place à prendre.

"Le mal-être, les dépressions, les pensées suicidaires ont beaucoup progressé chez nos jeunes", rappelle le locataire de Matignon. Plus largement, c’est près d’un français sur six qui au cours de sa vie peut être concerné par un trouble psychiatrique. Pourtant, les difficultés d’accès aux structures de prise en charge de ces affections sont régulièrement dénoncées par les patients et les familles mais aussi par les médecins et les institutions. L’enquête de la FHF (Fédération hospitalière de France) sur l’offre de soins en psychiatrie publiée en septembre 2023 pointe une situation critique de l’accès aux soins ambulatoires des mineurs : 38 % des établissements affichent des délais de consultation de cinq mois à un an et 7 % des hôpitaux dépassent l’année d’attente. C’est dans ce contexte que l’on a vu progressivement apparaître ces dernières années des chatbots conversationnels et des plateformes en ligne (Eanqa, pour aider les patients à trouver le psychothérapeute adapté ; HopeStage, pour accompagner les personnes bipolaires…). Des applications d’information sur les pathologies, leur diagnostic et les traitements se sont aussi développées. Une évolution positive souligne Psycom, organisme public d’information : "Le numérique change notre façon de prendre soin de notre santé mentale", peut-on lire sur son site. Selon un chiffre diffusé dans sa brochure "Santé mentale et numérique", cette perspective serait largement partagée : 66 % des Français verraient dans les outils digitaux un moyen d’améliorer le parcours de soins. Preuve supplémentaire de ce potentiel, MentalTech, le collectif d’acteurs de la filière numérique française en santé mentale créé en mars 2022 avec moins de 10 membres, en comptait une vingtaine fin 2023.

Le grand défi

Les pouvoirs publics, qui ne sont pas en reste, ont lancé le Grand défi numérique "Santé mentale". Ce programme doté d’un financement de 25 millions d’euros de budget s’inscrit dans le cadre de France 2030. Lors de sa présentation durant la Journée nationale de l’innovation en santé numérique qui s’est déroulée le 18 janvier 2024, le professeur Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, a souligné combien il était important de soutenir le développement du numérique : "Il va contribuer à accélérer la transformation de l’offre [dans ce secteur]." Ce programme vise ainsi "à faire émerger et assurer un cadre propice à l’accès au marché des dispositifs numériques qui permettent d’assurer la prévention, le repérage, la prise en charge des patients atteints de troubles psychiques", a précisé le docteur Line Farah, directrice de ce Grand défi à la délégation ministérielle au numérique en santé.

De l’importance de l’expérimentation

Le Grand défi va notamment soutenir le développement de tiers-lieux d’expérimentation pour valider les solutions, à l’instar de Digimentally constitué dès novembre 2022 en métropole de Lyon ou plus récemment de Mindlink, porté par le Groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris psychiatrie et neurosciences. Ces espaces sont d’autant plus nécessaires que "la capacité des start-up de la Mental Tech à mener des études cliniques rigoureuses [et] à trouver un modèle économique pérenne tout en gardant les utilisateurs engagés sur le long terme sera déterminante pour le succès de cette filière prometteuse", relève le collectif éponyme dans son rapport "Bilan et perspectives" de décembre 2023. La feuille de route de ce Grand défi doit être présentée d’ici la fin du 1er semestre 2024.

Pierre Derrouch