La covisibilité avec des monuments historiques est suffisante pour écarter ou contraindre un projet de parc éolien, et ce peu importe la distance entre les deux. Le Conseil d’État en a décidé ainsi dans son arrêt du 22 septembre 2022.
L'arrêt rendu le 22 septembre dernier par le Conseil d’État permet de préciser les critères d’évaluation de l’impact du projet sur son environnement permettant de refuser l’implantation d’un projet ou de prescrire des mesures spécifiques qui y seraient rattachées. En l’espèce, une société d’exploitation d’éoliennes a sollicité une autorisation d’exploiter un parc de cinq éoliennes auprès du préfet qui lui a été refusée. L’entreprise a alors saisi le tribunal administratif aux fins d’obtenir l’annulation dudit arrêté préfectoral. Sa requête a été rejetée. Elle a, par suite, interjeté appel de ce jugement. La cour administrative d’appel a accueilli sa demande et annulé l’arrêté préfectoral aux motifs que "le critère de covisibilité avec des monuments historiques ne pouvait être utilement invoqué pour caractériser une atteinte contraire à l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme en raison de l’implantation du projet en dehors du périmètre de protection résultant des articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine". La question qui se posait alors était celle de savoir si la covisibilité avec des monuments historiques suffisait à elle seule à permettre l’application des dispositions de l’article R.111-27 du code de l’urbanisme.
Un frein au développement des parcs éoliens ?
L’article R.111-27 du code de l’urbanisme dispose que "le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des (...) ouvrages à édifier(...), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales".
Il ne s’agit pas (…) d’effectuer une balance des intérêts en présence
Pour juger les faits d’espèce, le Conseil d’État s’appuie sur sa jurisprudence antérieure et notamment sur son arrêt n°s 345970 346280 "Association Engoulevent et autres" en date du 12 juillet 2012. Il rappelle les modalités de caractérisation de l’atteinte permettant d’appliquer les dispositions de l’article R.111-27 du code de l’urbanisme.
Le principe
Ainsi, l’administration doit :
- apprécier la qualité du site naturel concerné par le projet ;
- évaluer l’impact de ce dernier compte tenu de sa nature et des conséquences qu’il pourrait avoir sur le site.
Une covisibilité suffisante avec des bâtiments remarquables
Le Conseil d’État précise également que l’article R.111-27 du code de l’urbanisme n’implique pas qu’une "balance des intérêts en présence, autres que ceux mentionnés par cet article" soit effectuée par l’autorité administrative compétente pour autoriser ou assortir de prescriptions spéciales un projet qui porterait atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants. Elle ne doit, donc, évaluer la situation qu’au regard de la situation, l’architecture, la dimension ou l’aspect extérieur de l’ouvrage projetée.
La covisibilité avec des monuments historiques suffit-elle à permettre l’application des dispositions de l’article R.111-27 du code de l’urbanisme ?
À cela, le Conseil d’État vient préciser qu’"il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d’autres législations". Ainsi, la seule covisibilité avec un bâtiment remarquable suffit à mettre enjeu l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme, peu importe la distance du projet avec celui-ci. Cette décision vient rendre plus difficile l’implantation de parc éolien en périphérie urbaine. En effet, on peut penser que, tenant la hauteur de ce type d’ouvrage, il est fort probable qu’il ait en visu un bâtiment remarquable. Cette seule vision permettant désormais de refuser ou de conditionner, par exemple concernant la hauteur de l’ouvrage, sa construction.
Sur l'auteur
Maître Charrel, avocat associé, intervient de manière transversale dans l’ensemble des domaines du droit public des affaires et des institutions publiques. Il a acquis une expérience pratique et théorique avérée dans le domaine de l’assistance à maîtrise d’ouvrage, de la construction ou encore de l’aménagement. Il dispense également régulièrement des formations dans ces matières.