Depuis mai 2016, Jean-Louis Constanza a troqué son costume d’entrepreneur en série pour celui de responsable du développement chez Wandercraft. Cette start-up fondée par trois amis issus de Polytechnique a développé un exosquelette révolutionnaire. Leur promesse à terme : rendre aux invalides une autonomie de déplacement dans les centres de soin, puis dans tous les environnements.

Décideurs. Pouvez-vous nous présenter en quelques mots les activités de Wandercraft ?

Jean-Louis Constanza. Wandercraft conçoit et développe des exosquelettes permettant aux myopathes et paraplégiques de marcher seuls et sans l’aide de béquilles. La personne invalide est enveloppée par un robot qu’elle contrôle par le buste afin de reproduire une démarche humanoïde bipède. Avec douze moteurs placés au niveau des articulations, ces concentrés de technologies reçoivent mille ordres par seconde. Nous sommes partis des mathématiques et des algorithmes pour arriver à cette solution novatrice qui sera distribuée d’une part aux centres de soins, et dans un horizon plus lointain, aux particuliers. Aujourd’hui, notre exosquelette se lève, tient l’équilibre sans les mains et marche. Dès l’année prochaine, la foulée va se libérer pour devenir aussi naturelle que possible. La résistance aux bousculades et les allées et venues dans les escaliers sont les prochains objectifs que nous nous sommes assignés pour répondre au mieux aux situations de handicap.

 

Les professionnels de santé sont-ils enthousiastes ou méfiants vis-à-vis de votre exosquelette qui semble promettre l’impossible ?

Les médecins sont très enthousiastes car ils perçoivent les bénéfices thérapeutiques et psychologiques que notre exosquelette pourrait apporter à leurs patients. Ces praticiens fréquentent des personnes invalides toute la journée et ont identifié tous les usages qu’il leur serait possible de tirer de cette innovation. Trois des plus grands spécialistes de la médecine physique de réadaptation font partie du comité scientifique de Wandercraft. Il est essentiel de travailler en collaboration avec le corps médical pour tirer le meilleur de telles avancées techniques.

 

« Notre objectif : obtenir la certification avant d’engager une stratégie de ventes intensive »

 

Quel sera le coût pour acquérir cette innovation ?

Il est difficile de communiquer sur une échelle de prix alors que la technologie continue de se perfectionner. Notre souhait est d’accélérer nos essais cliniques pour démontrer les bénéfices thérapeutiques aux régulateurs. C’est grâce à des preuves tangibles que nous allons gagner en crédibilité sur le volet du remboursement. Afin de faire baisser les coûts pour l’ensemble des malades dès le début de la phase de commercialisation, il sera nécessaire de commencer l’aventure avec une certaine frange de la population, sans doute aisée. À terme, nous voulons que le prix de notre exosquelette soit celui d’une voiture bas de gamme.

 

D’autres sociétés ont-elles lancé des produits aux promesses similaires à la vôtre ?

Quatre concurrents sérieux se sont lancés dans la conception d’exosquelettes. En provenance d’Israël, du Japon et des États-Unis, ces acteurs permettent eux aussi aux patients de marcher à nouveau. Toutefois, les similitudes s’arrêtent là. Ces robots sont uniquement utilisés dans des centres de soins alors que Wandercraft travaille en parallèle sur un exosquelette à destination des particuliers pouvant être utilisé dans tous les environnements. L’appui sur des béquilles est également nécessaire avec ces robots déjà présents sur le marché. Cela pose de nombreux problèmes pour les patients : épaules douloureuses, mains encombrées en permanence et impossibilité de se rattraper en cas de déséquilibre. Certaines choses inaccessibles en fauteuil roulant le restent avec ces exosquelettes. Notre solution soulagera davantage les invalides en leur laissant le libre usage de leurs mains.

 

Quels sont les obstacles à franchir avant un déploiement à grande échelle auprès des particuliers et des centres de soins ?

À partir de 2017, nous allons mener nos propres essais cliniques à Bobigny. Jusqu’à aujourd’hui, nous réalisions des essais sur des personnes valides et cette phase nous a laissé entrevoir de grands succès. Notre objectif est d’obtenir la certification avant de nous engager dans une stratégie de ventes intensive. La réglementation en France est l’une des plus strictes au monde, cependant, elle demeure pragmatique. Si la sécurité et les bénéfices du patient sont reconnus dans l’Hexagone, cela promet un développement rapide hors de nos frontières.

 

Notre solution soulagera davantage les invalides en leur laissant le libre usage de leurs mains

 

Vous êtes au conseil d’administration de Wandercraft depuis juin 2013. Pourquoi avoir décidé en mai 2016 de rejoindre la start-up au poste de chief business officer ?

Mon parcours est celui d’un entrepreneur. J’ai monté plusieurs sociétés, des petites comme des grosses. Au départ de l’aventure Wandercraft, j’ai adopté un rôle de conseil. Je voulais aider ces innovateurs car leur projet avait une résonance personnelle forte. En avril 2013, j’ai accompagné les fondateurs dans l’organisation de leur première levée de fonds, notamment auprès de business angels de renom comme Xavier Niel ou Marc Simoncini. Alors que nous n’avions qu’un powerpoint à exposer, nous sommes parvenus à lever 900 000 euros. Après des mois de travail, le deuxième tour de table a permis de réunir la somme de 4 millions d’euros en décembre 2015. Je siège au comité exécutif pour aider au maximum les fondateurs dans leur aventure.

 

La start-up a été fondée par Nicolas Simon, spécialiste de la robotique et toujours directeur général de la société. Quelles sont vos relations avec lui ?

Trois amis de l’École polytechnique sont à l’origine du projet et se focalisent sur son développement. C’est une équipe de très haut niveau technique qui s’occupe des caractéristiques du produit et du recrutement des équipes appropriées pour les accompagner. Pour ma part, je suis en charge du marketing produit et de l’établissement de nos priorités en fonction des demandes exprimées par nos clients. En matière de stratégie, mon rôle est de faire en sorte que ces dirigeants murissent aussi vite que possible. La gestion des coûts, les relations avec les actionnaires et la préparation au changement d’échelle sont aussi sur mes épaules afin de dégager le plus de temps possible aux fondateurs.

 

Quels sont vos objectifs pour 2017 ?

Nous devons toujours penser à la phase de développement suivante pour que notre entreprise continue de progresser. Le changement d’échelle – de l’expérimentation à la production industrielle – passera nécessairement par des recrutements ciblés. En 2017, nous devrions nous renforcer avec une quinzaine de professionnels d’horizons différents : supports clients, développeurs techniques, experts du marketing … Cette croissance en interne, couplée à l’amélioration continue de notre exosquelette, représente un défi essentiel pour l’année à venir.

 

Propos recueillis par Thomas Bastin