Décideurs. Par quels moyens France Biotech parvient-elle à exercer son activité de lobbying dans un secteur aussi réglementé que celui des biotechnologies ?
Maryvonne Hiance. Nous déployons tout d’abord des moyens humains en allant à la rencontre des institutionnels et en développant notre réseau. La structure flexible de France Biotech permet de mener à bien des actions variées afin de lever les freins financiers, fiscaux, administratifs, légaux et culturels. Ces efforts sont mis au service de start-up innovantes aspirant à devenir des ETI mondiales. Nous travaillons main dans la main avec différents acteurs de la société en participant à des comités influents auprès du gouvernement d’une part, des associations d’entrepreneurs de croissance d’autre part. L’objectif est qu’un nombre croissant de start-up soit reconnu ETI. Nous organisons également deux fois par mois des matinales pour l’ensemble des biotech, adhérentes ou non, sur différents sujets.
« Il faut que le statut de la jeune entreprise innovante puisse être sanctuarisé et être attribué à des entreprises pour une durée plus longue »
Comment percevez-vous le marché des biotechnologies en France par rapport aux autres pays européens voire à l’international ?
Nous avons en France les outils nécessaires pour stimuler l’entrepreneuriat, comme le crédit d’impôt recherche, le statut de jeune entreprise innovante qui offre des avantages fiscaux notables ou les aides à l’amorçage BPI. La recherche médicale française est de plus de grande qualité. Ces facteurs confèrent à la France une réelle dynamique sur le marché des biotechnologies. La critique que l’on peut formuler s’adresse surtout au secteur des biomédicaments qui sont de plus en plus rarement mis sur le marché. Cela s’explique par un manque de financement lors des périodes de développement des phases 2 et 3 de ces entreprises. Un enjeu qui se retrouve également à l’échelle européenne.
Comment expliquez-vous que la préoccupation principale des entreprises biotech et medtech soit le financement ?
Si la France s’en sort plutôt bien sur ce sujet, elle manque toujours de fonds de capital risque pour financer ces entreprises. Or ces dernières ont parfois besoin de lever plus de cinquante millions d’euros pour pouvoir passer en phase 3 et mettre leurs produits sur le marché. La France manque de professionnels du capital-risque, contrairement aux États-Unis qui ont une génération d’avance sur nous. Les entreprises font donc appel au marché boursier, mais même sur Euronext cela reste compliqué. À tel point que certaines sociétés cherchent à se développer en passant par le Nasdaq. Une stratégie pas toujours payante en raison du peu d’implantation aux États-Unis, d’un manque de fonds – le coût d’introduction sur ce marché est élevé – et d’un réseau des jeunes entreprises trop faible.
Quels sont les obstacles à la bonne réalisation de vos missions ?
L’un des principaux obstacles est financier. Nous sommes en train d’œuvrer pour que l’épargne hedge funds soit fléchée vers le capital-investissement. Il existe également un problème de stabilité fiscale sur la durée, qui peut être résolu par le biais de l’octroi d’actions gratuites. Il est important que les start-up aient une vision internationale dès leur création, du fait de la nature des produits biotech qui touchent une partie de la population mondiale. Pour cela, il faut que le statut de la jeune entreprise innovante puisse être sanctuarisé et attribué à des entreprises pour une durée plus longue (quinze ans), sous condition que celles-ci maintiennent un taux de recherche et développement d’au moins 15 %. Le crédit d’impôt recherche, remboursé trop tardivement, doit également être révisé. Les biotech françaises font aussi face à un problème réglementaire avec des délais de lancement des essais cliniques trop longs par rapport aux autres pays européens, conduisant à une fuite vers l’étranger alors que notre pays compte beaucoup de centres d’investigation clinique. Parallèlement, la création de véritables pools d’experts éviterait les risques d’erreur entraînant l’impossibilité du lancement d’essais cliniques.
La question des données de santé et du digital est récurrente, qu’en est-il pour l’industrie des biotechnologies ?
Les données de santé doivent naturellement rester anonymes. Leur accès en revanche doit être facilité pour les laboratoires de recherche et les entrepreneurs et cliniciens afin de faire progresser la recherche. L’idée est de rendre les médicaments de plus en plus personnalisés et adaptés aux bonnes cibles. L’industrie des biotechnologies est un enjeu majeur au niveau économique. Elle représente 50 % du marché mondial de la santé pour atteindre les 500 milliards d’euros. La nature de plus en plus innovante des nouveaux médicaments soulève également des enjeux sociétaux (vieillissement, bien-être, etc.) Alors que tous les secteurs sont plus ou moins bouleversés par la transition digitale, cela représente une véritable révolution dans l’univers de la santé.
Propos recueillis par Paul Demay