À la tête du deuxième groupe d’hospitalisation privée en France, Jérôme Nouzarède est un acteur majeur de la consolidation du secteur. Après la création d’Elsan en novembre 2015, il souhaite poursuivre sa stratégie de croissance externe en fusionnant avec Médipôle, autre géant des soins privés. Grâce à la concurrence instaurée avec le secteur public, son objectif est d’améliorer le parcours de soins des patients.

Décideurs. En novembre 2015, la fusion entre Vedici et Vitalia donne naissance au groupe Elsan. Un an plus tard, vous annoncez un rapprochement avec Médipôle. Quelle stratégie guide ces opérations d’envergure ?

Jérôme Nouzarède. La promesse du groupe « Notre Santé autrement » guide nos ambitions.  Le rapprochement d’Elsan avec MediPôle Partenaires relève de notre projet d’entreprise visant à construire une nouvelle relation avec nos patients et  à accompagner nos praticiens dans l’exercice de la médecine de demain. À travers leurs implantations régionales historiques, les deux groupes constituent ensemble un réseau d’établissements de santé complémentaires, au service d’une présence territoriale alliant proximité et qualité de soins. Chaque année, les équipes et médecins exerçant au sein des deux groupes vont prendre en charge plus de deux millions de patients. Ce rapprochement devrait nous permettre d’accélérer le déploiement de notre projet et d’investir plus rapidement dans l’innovation thérapeutique et technologique ainsi que dans l’amélioration du parcours personnalisé de soins des patients.

 

Quelles sont vos initiatives pour améliorer la satisfaction de vos clients et vous démarquer de la concurrence ?

Nous voulons placer au cœur de notre projet de santé un accompagnement moderne, personnalisé et connecté. Nos patients, dont la satisfaction est notre priorité, deviennent acteurs de leur santé et leurs attentes évoluent. Aujourd’hui, c’est à leur domicile que les patients ont le plus besoin d’être accompagnés, conseillés et informés. Leur durée moyenne de séjour hospitalier diminue grâce aux progrès de la médecine et au développement de la chirurgie ambulatoire. 65 % de la chirurgie se fait maintenant en ambulatoire, c’est-à-dire dans la journée. Pour offrir un suivi personnalisé aux patients depuis leur domicile avant et après leur intervention, Elsan a mis en place des parcours de soins personnalisés, comme Materniteam afin d’accompagner les futures mamans tout au long de leur grossesse jusqu’à leur accouchement. Une conseillère est à la disposition de toutes les futures mamans qui ont choisi les maternités du groupe pour les guider à chaque étape et les conseiller dans leur projet de naissance. Ce parcours est accompagné d’une application mobile qui simplifie leurs démarches. Nous croyons beaucoup à l‘accompagnement digital du patient. Nos équipes ont développé « l’Espace Patient », une application mobile sur mesure et pionnière, qui offre un suivi médical à destination des 1 200 000 personnes admises chaque année dans nos établissements. Des services variés et individualisés permettent au patient et à l’équipe soignante de gagner du temps : pré-admission, stockage des documents importants, les démarches et tâches à effectuer par le patient, le rappel des rendez-vous avec les spécialistes, les contenus informatifs sur la pathologie, ou encore un espace fermé de discussion entre individus confrontés à la même pathologie. L’application favorise aussi le suivi post-opératoire à domicile et l’accompagnement du patient notamment grâce aux objets connectés. Auto-évaluation mais aussi mise en relation avec les médecins par téléphone donnent la possibilité aux malades de suivre pas à pas leur rétablissement, même en cas de complication. Les premiers retours sur l’utilisation de l’application mobile sont très positifs dans les établissements pilotes du groupe.

 

« Les cliniques et hôpitaux privés contribuent grandement à la soutenabilité de notre système de protection sociale »

 

Quel rôle jouent aujourd’hui les cliniques et hôpitaux privés dans le système de soin global en France ?

Ce sont des acteurs responsables du service public de santé. Les cliniques disposent des mêmes offres de soins que dans le secteur public. Le secteur privé soigne 34 % des patients hospitalisés et réalise plus de la moitié des interventions chirurgicales. Dans les comparaisons entre le secteur public et le secteur privé, on entend souvent le stéréotype suivant : le secteur privé se concentrerait davantage sur les cas moins difficiles et sur les patients ayant un revenu plus élevé que la moyenne. Or, dans un contexte où les établissements sont rémunérés en fonction de la complexité des pathologies, il est important de rappeler que les établissements privés traitent tous les patients et ne discriminent pas sur la base des revenus ou de la lourdeur des cas. Les hôpitaux et cliniques privés contribuent à améliorer la prise en charge du patient, que ce soit en qualité d’accueil ou de parcours de soins, en raccourcissant les délais d’attente, en créant de l’émulation, en favorisant l’innovation ou en diversifiant les services fournis aux patients, à leurs accompagnants ainsi qu’aux praticiens qui travaillent à nos côtés. Ils favorisent une meilleure efficience dans tout le secteur de l’hospitalisation. Ils contribuent ainsi grandement à la soutenabilité de notre système de protection sociale. Il est donc nécessaire de préserver la liberté de choix pour le patient. C’est cela l’exception hospitalière française : des hôpitaux publics de renommée mondiale aux côtés du premier réseau de cliniques privées en Europe.

 

Quels sont les nouveaux axes de coopération entre les secteurs privé et public dans l’univers hospitalier ? Êtes-vous optimiste vis-à-vis de l'évolution de ces collaborations ?

Les nouveaux groupements de coopération sanitaire (GCS) refondus dans le cadre de la loi Santé permettent de gérer des champs d’activité en commun entre le secteur public et le secteur privé. Ils esquissent de nouvelles formes de managements hospitaliers. Dans certains territoires, la coopération public-privé sous forme de GCS répond à deux enjeux majeurs :

- pérenniser les offres de soins de proximité, en mutualisant les plateaux techniques et les équipes

- améliorer l’attractivité médicale des territoires fragiles.

 

C’est cela l’exception hospitalière française : des hôpitaux publics de renommée mondiale aux côtés du premier réseau de cliniques privées en Europe.

 

L’innovation est un autre pilier de votre identité. Quels chantiers menez-vous pour renouveler votre offre de soins et enrichir vos prestations ?   

L’innovation fait en effet partie de l’ADN du groupe. Au moment de la naissance d’Elsan fin 2015, nous avons créé un incubateur visant à apprécier et déployer les innovations au sein du groupe : 120 idées ont déjà été évaluées et 11 ont déjà été transformées en projets. À l’heure où les pratiques de la médecine et de la chirurgie évoluent grâce aux progrès technologiques, nous nous concentrons sur les dispositifs médicaux, les services de type santé connectée, les produits ou services affectant la logistique et les projets autour du traitement de la donnée.

 

Pourriez-vous nous donner un exemple de partenariat qu’Elsan a mis en place avec un acteur innovant ?

Elsan met en place de nombreux partenariats, que ce soit pour les parcours de soins et l’offre de services à nos patients et accompagnants, le confort de nos praticiens et collaborateurs, ou l'organisation de nos cliniques. Nous venons par exemple de signer un partenariat avec Collective Thinking, une société technologique développant des algorithmes d’intelligence artificielle dans le but d'analyser de grands volumes de données de manière rapide. Le traitement de ces « big data » est devenu un enjeu stratégique dans le secteur de la santé. En effet, les nouveaux outils  à disposition des médecins, comme le séquençage haut débit du génome et la digitalisation des informations médicales, produisent une masse croissante de données dont l'analyse – dans le cadre réglementaire européen et national – permettra d'améliorer la prise en charge des patients. Dans un premier temps, notre partenariat est focalisé sur un outil visant à faciliter le codage des actes et diagnostics médicaux dans nos établissements. L'objectif de ce partenariat est ensuite de développer ensemble de nouveaux produits destinés à faciliter certaines tâches pour nos collaborateurs et praticiens et à améliorer l'expérience de nos patients.

 

 

Propos recueillis par Thomas Bastin