Le secrétaire général du Syndicat des biologistes, Francis Guinard, explique les différences entre les tests de Covid-19. Il revient surtout sur les raisons pour lesquelles la France ne disposait pas des mêmes capacités que son voisin allemand.

Décideurs. Quelle est la stratégie du gouvernement sur les tests ?

Francis Guinard. Une cellule a été montée à l’Élysée à laquelle nous participons. L’État s’active pour développer les capacités des laboratoires d’analyse. Sachant que les hôpitaux peuvent réaliser 100 000 tests par semaine et qu’il faudrait 500 000 tests par semaine selon le gouvernement, comme en Allemagne. On parle ici de tests virologiques, dits "PCR" [en anglais Polymerase Chain Reaction, Ndlr]. Par conséquent, les autorités ont préempté un certain nombre de matériels qu’elles redistribuent aux laboratoires. D’autre part, des labos se sont équipés depuis début avril en automates d’analyse de façon à compléter le parc existant.

Pourquoi n’avons-nous pas pu réaliser autant de tests qu’en Allemagne ?

Par rapport à l’Allemagne, il existait déjà un déficit structurel en matière de biologie moléculaire, la discipline grâce à laquelle les recherches sur le virus s’appuient. On ne peut pas cultiver le virus, ce serait trop long. Avec la biologie moléculaire, on amplifie l’ARN du virus. Pour schématiser, l’État n’a jamais investi dans les techniques associées au niveau national par le biais de l’Assurance maladie. Rappelons qu’en France, un examen médical est remboursable par l’Assurance maladie. Si vous ne le cotez pas suffisamment,  les professionnels perdent de l’argent en le réalisant, du coup vous ne les incitez pas à s’équiper. Outre-Rhin, beaucoup de laboratoires possédaient les automates nécessaires à la biologie moléculaire.

"L’Allemagne possède des capacités de production de réactifs dont nous ne disposons pas et chez eux, certains acteurs se sont reconvertis même pour en produire"

Par ailleurs, nous nous sommes retrouvés face à une demande internationale très forte d’automates et de réactifs. Là encore, l’Allemagne possède des capacités de production de réactifs dont nous ne disposons pas et chez eux, certains acteurs se sont même reconvertis pour en produire.

Enfin, nous avons subi la concurrence des Américains. En France, un test PCR est coté 54 € par l’Assurance maladie. Outre-Atlantique, celui-ci peut être vendu entre 300 et 900 dollars. Une partie du matériel est allée aux plus offrants donc vers leurs laboratoires.

De quand date ce déficit avec l’Allemagne ?

Le début de la biologie moléculaire date du début des années 1990. Peu de labos se sont appareillés des matériels nécessaires car ils coûtaient relativement cher par rapport aux prix de remboursement. Sur un peu plus de 400 structures, seule une centaine pratique la biologie moléculaire. Les hôpitaux, en revanche, se sont équipés de grosses capacités car l’investissement était pris sur l’enveloppe globale de l’hôpital. Les CHU sont ainsi dotés d’équipements qu’on ne retrouve pratiquement pas dans le privé.

Quelles sont les différences entre les tests virologiques et sérologiques ?

Concernant le test virologique ou PCR, le virus est recherché via un prélèvement nasopharyngé. Pour la plupart des individus, la charge virale migre jusque dans les fosses nasales. Mais pour 20% des cas, elle ne s’y trouve pas car trop faible, elle demeure au niveau pulmonaire. C’est pourquoi, on estime que 20% des résultats sont des faux négatifs, même si les prélèvements ont été réalisés correctement.

"On estime que 20% des résultats sont des faux négatifs pour les tests PCR"

Au niveau sérologique, on utilise deux types de test. Le test dit “rapide”, réalisé sur une bandelette par exemple, à l’instar des tests de grossesse. Mais le problème de ces tests est qu’ils n’ont pas du tout été expertisés dans les centres nationaux de référence. Ils sont pour la plupart importés de Chine. Celle-ci travaille avec des importateurs en Europe pour obtenir le marquage CE. 

D’autres tests sont en train de voir le jour. Ceux-là fabriqués par les grands opérateurs du marché comme Roche ou Biosynex. Il faudra les expertiser. Néanmoins, je crois qu’il s’agira de trousses de bien meilleure qualité que nous pourrons adapter sur nos automates et utiliser dans quasiment tous les laboratoires. Ces tests seront remboursables, au contraire des tests “rapides” provenant de Chine, pour lesquels il faut compter de 25 à 50 euros, à sortir de sa poche. Ils n’ont pas grand intérêt d’après moi, hormis pour ceux qui les commercialisent.

Concernant les labos vétérinaires, la situation a-t-elle évolué ?

Les autorités nous ont demandés de passer des conventions avec les labos vétérinaires à cause de diverses pressions. Les situations sont très disparates. Certains gros labos sont partants, d’autres le sont moins parce qu’ils ont l’habitude de travailler sur des produits biologiques animaux alors qu’ici, ils doivent traiter des produits biologiques humains potentiellement contaminants. On constate des écueils au niveau du personnel notamment. Ils peuvent réaliser les tests à condition que la convention ait été signée avec un laboratoire de biologie médicale. Par ailleurs, ils ne gèrent ni le prélèvement ni la diffusion du résultat.

Comment cela se déroule au niveau des remboursements ?

Déjà, il faut savoir que les tests sont pratiquement réalisés à prix coûtant. Comme nous pratiquons le tiers payant, l’Assurance maladie nous rembourse. Concernant les EHPAD, j’observe une évolution, puisque les établissements vont nous régler l’ensemble des tests que ce soit pour les résidents ou le personnel ; ils seront ensuite remboursés globalement par l’Assurance maladie de manière mensuelle. Cela permet de faciliter les flux financiers.

La profession doit respecter une enveloppe globale. Il est donc possible qu’une partie du coût des remboursements soit prise sur une autre enveloppe budgétaire car cela représente désormais des sommes importantes.

Propos recueillis par Victor Noiret