Contribuer au bien-être de l’humanité, voilà la mission première du leader de santé Medtronic qui place le patient au centre de ses innovations technologiques et organisationnelles. Présidente de Medtronic France, Laurence Comte-Arassus revient sur le rôle du leader des dispositifs médicaux durant la crise de Covid-19, sur les leçons à en tirer ainsi que sur les pistes pour faire de la France un leader mondial de l’innovation.

Décideurs. Pouvez-vous nous présenter Medtronic France ?

Laurence Comte-Arassus. Il est communément admis que Medtronic est un leader d’un point de vue technologique de par les innovations mises au service des patients en matière de dispositifs médicaux. Nous sommes également leader en innovation organisationnelle, un axe particulièrement important pour nous et sur ce marché. Si cet aspect était auparavant essentiel, avec la pandémie mondiale, il est aujourd’hui devenu indispensable. Parce qu’il ne peut pas y avoir d’innovation technologique sans innovation organisationnelle préalable. Notre intervention s’articule ainsi autour de cinq activités : le cardiovasculaire, le diabète, le pôle neurosciences, la chirurgie mini-invasive, qui nous vient du rachat, en 2014, de Covidien et pour finir, le pôle services et solutions dit « IHS ».

Quel rôle Medtronic joue-t-il dans la lutte contre la ­Covid-19 ?

De nombreuses actions ont été entreprises tant au niveau global que national. La plus remarquable a été de rendre publiques les spécifications techniques de nos respirateurs pour accélérer afin de permettre aux intervenants de tous les secteurs d’évaluer les options de fabrication rapide afin d’alimenter les services hospitaliers. Du jamais vu. Mais avant tout, une démarche d’utilité publique mise en œuvre pour soigner les patients et accomplir notre mission première : contribuer à leur bien-être. Nous avons également participé à une alliance industrielle dont l’objectif était de réfléchir aux solutions d’urgence qui devaient être déployées au niveau du pays. Tout un travail avec des start-up a également été opéré afin de contribuer à des projets ­particuliers et disruptifs.

Quels enseignements devons-nous ­tirer de la pandémie ?

Cette crise a été un formidable accélérateur en termes de transformation. Prenons l’exemple de la téléconsultation, alors que nous y travaillons depuis près de dix ans, il nous a fallu seulement dix jours pour le mettre en place dans ce contexte si particulier. Dans toute crise, il y a aussi un formidable catalyseur. Nous devons en garder les bénéfices et ne pas oublier tout ce que nous avons appris. La question de notre système de santé et de sa réforme doit être posée. La nécessité de prendre en charge l’ensemble des parcours des patients, de revoir l’organisation de notre système de santé afin de le maintenir pérenne et solidaire s’impose.

Qu’avez-vous constaté lors de cette crise ?

Au niveau national, tout le monde s’est particulièrement centré sur le traitement des malades de Covid-19, ce qui était essentiel et indispensable. Cependant, il faut veiller à ne pas provoquer une ­seconde crise et oublier les autres malades. C’est pour cela que nous avons soutenu de manière active une campagne menée par différentes associations de patients diabétiques, celle de « revoir son médecin ». De fait, au risque de trop se focaliser sur les patients atteints de Covid-19, nous avons pu oublier tous les autres malades dans notre pays. Et si cela a été le cas, il faut espérer que d’ici la fin de l’année tous les patients seront retournés voir leur médecin pour ne pas créer de vague de décès supplémentaires non liés à la pandémie.

"Cette crise a été un formidable accélérateur en termes de transformation"

Le gouvernement vient de proposer un plan pour un retour des industries du médicament en France. Qu’en ­pensez-vous ?

C’est une chose que je ne peux que soutenir et approuver. Cependant, il ne faut pas se tromper de combat. La totale indépendance sur l’ensemble des productions n’est pas réaliste. Il existe, par exemple, une très grande différence entre l’industrie pharmaceutique et l’industrie du matériel médical. S’il est imaginable de produire 100 % d’un médicament en France, pour ce qui est du matériel médical, cela n’est pas réalisable car bon nombre de pièces doivent être achetées ailleurs. La problématique ici est de savoir comment nous pouvons assurer une production suffisante de matériel médical en France ou en Europe pour que lors de grandes crises nous puissions être dans les conditions optimales pour soigner les patients. Nous recentrer sur nous-mêmes est, a contrario, une stratégie à haut risque plus qu’une véritable solution. ­Personnellement, je crois davantage à une ­réflexion européenne.

Quelle incidence cela aura-t-il sur votre activité ?

Au sein de Medtronic, et ce, depuis longtemps, nous voulons être un acteur responsable. Avec quatre usines en France, le made in France est un point capital, pas forcément pour fabriquer en France mais surtout pour créer de l’emploi sur le territoire. Il faut faire attention aux objectifs que nous souhaitons atteindre. C’est un sujet sur lequel nous travaillons beaucoup. À ce titre, une première réussite est à noter puisque nous sommes parvenus à relocaliser une chaîne de production avec l’un de nos nouveaux produits en phase finale de remboursement. Produire et être capable de ramener de nouveaux produits en France, c’est ce à quoi nous nous employons.

Comment faire en sorte que la France soit et reste l’un des leaders mondiaux des stratégies d’innovation ?

L’innovation n’est pas un domaine dans lequel nous pouvons nous lancer seul et la crise nous l’a démontrée. C’est une affaire d’équipe. Cela doit commencer par des idées partagées. En France, nous avons oublié que l’innovation passe nécessairement par le partenariat. La première chose est de savoir comment collaborer pour créer de l’innovation. Le partenariat privé et public au sein de notre pays n’est pas un domaine où nous sommes les meilleurs. Nous devons recréer un environnement pour retrouver ces partenariats gagnant/gagnant.

La réglementation de plus en plus lourde dans le cadre des affaires cliniques est le second sujet. Les études cliniques ont été au cœur de la pandémie de Covid-19 avec beaucoup d’incompréhension quant à leurs finalités. Cette partie est primordiale car une fois le produit fabriqué, nous devons nous assurer de la possibilité de les mettre à disposition sur le territoire. La dernière étape concerne le financement de l’innovation en France. C’est souvent la principale problématique pour les start-up. Très souvent elles sont obligées, une fois passée l’étape d’amorçage, de vendre leur technologie à l’étranger plutôt que sur leur propre territoire. La capacité de financement en France est un point important auquel il faut apporter de nouvelles facilités afin de voir nos innovations rester et se ­déployer prioritairement en France.

"S’il est imaginable de produire 100 % d’un médicament en France, pour ce qui est du matériel médical, cela n’est pas réalisable car bon nombre de pièces doivent être achetées ailleurs"

Pour répondre à cette problématique de financement, vous avez lancé votre premier programme d’accélérateur de start-up en France. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Notre volonté, dans l'accélérateur de start-up que nous avons créé à la fin de l’année dernière, est de leur permettre de collaborer avec nous et réciproquement. Aujourd’hui, nous accompagnons sept start-up scrupuleusement sélectionnées. Notre objectif est de grandir avec elles pour accompagner la naissance de ces innovations françaises. Cet accélérateur s’inscrit dans la suite logique de notre plan « Agit Acteur » lancé en 2018. Nous voulons au sein de cette initiative être un acteur de la santé qui a des idées, de l’expérience et qui veut échanger sur ces points avec un objectif : « Garder une vision centrée sur le patient et assurer une santé pérenne et solidaire». Au travers d’« Agit ­Acteur », nous voulions que l’ensemble de nos employés nous fasse remonter tout un ensemble de projets au cœur d’une plateforme collaborative. Au vu de la réussite, nous avons alors décidé, sous l’impulsion de notre directeur de l’innovation, d’externaliser le concept et de mettre à disposition des start-up l’expertise de nos employés et leur temps. C’est comme cela qu’est né notre accélérateur. C’est vraiment ça l’aventure de notre programme « Destinaction » et ce n’est qu’un début.

Quelle est votre feuille de route pour les années à venir ?

Nous voulons continuer de travailler au niveau global du groupe sur les innovations technologiques. Notre mission est d’amener un monde d’innovations dans les dispositifs médicaux auprès de nos patients. L’OPA de Médicréa n’en est qu’une résultante. Avec cette acquisition, nous voulons amener plus de digital, plus d’IA dans l’ensemble du parcours du patient. Cette annonce nous positionne sur le bon chemin. Le monde de la santé évolue très vite, il faut aussi que l’ensemble de nos employés puisse également évoluer. À ce titre, des évolutions sont nécessaires d’un point de vue technologique mais aussi pour nos collaborateurs en termes de nouveaux métiers et d’acquisition de nouvelles compétences. Il va nous falloir accélérer une transformation générale à tous les étages. 

Propos recueillis par Alexandre Lauret