Ces trente dernières années, vous avez peut-être croisé Julien Delpech à Moscou, Buenos Aires, Londres, Paris, San Diego ou encore Mexico. Julien Delpech commence sa carrière en Russie dans les années 90, "à l’époque où la fin de l’Union soviétique laissait tout à inventer dans le pays". C’est lui qui lance les premières équipes de visiteurs médicaux des laboratoires Ipsen à travers tout le territoire. Aux quatre coins du monde, ce quadrilingue (anglais, français, espagnol et russe) procède au déploiement de médicaments, dispositifs médicaux et participe à la recherche en matière de cellules souches. Entre voyages et échanges avec les acteurs de la santé, il saisit l’urgence de la mise en relation entre les chirurgiens qui partagent leurs savoirs et ceux qui désirent élargir leurs connaissances. Si le compagnonnage [apprentissage pratique auprès d’un praticien aguerri, Ndlr] est monnaie courante, son organisation reste laborieuse. En 2015, il crée Invivox avec son associé Patxi Ospital pour renverser la tendance. Du latin In vivo, pour désigner ce qui se passe à l’intérieur du corps, le "x" facilite, lui, la prononciation internationale.
Il y a six ans, les deux fondateurs entendent explorer un nouveau modèle du mentorat médical
Réinventer le modèle du mentorat médical
Il y a six ans, les deux fondateurs entendent explorer un nouveau modèle du mentorat médical. Dates de disponibilité, thématique, hébergements alentours, enregistrement et paiement en ligne le cas échéant, Invivox se charge de l’ensemble de l’organisation et de la logistique. Une agilité qui s’observe également à travers la diversité des spécialités couvertes, de la gastro-entérologie à la chirurgie esthétique. Les méthodes d’intervention innovantes se diffusent ainsi plus facilement à de petits groupes venus du monde entier. "Lorsque vous passez trois à cinq jours dans un bloc opératoire, vous êtes au contact des cas qui se déroulent bien, de ceux qui déraillent, mais également de toutes les parties prenantes telles que les anesthésistes ou les infirmières. Le bloc opératoire ne ment pas !" La première opération lancée sur la plateforme fut celle du professeur émérite Alain Cribier du CHU de Rouen, consacrée à une intervention non invasive par cathéter. "Un succès", raconte Julien Delpech.
Crise de la formation
La crise de la Covid sonne le gong. Alors que la plateforme prospère avec 4000 chirurgiens formés jusqu’en 2020, le présentiel devient peu à peu un lointain souvenir. "À l'époque, nous étions encore persuadés que les Alpes allaient empêcher le virus de passer la frontière franco-italienne" sourit Julien Delpech. "J’ai contacté une équipe de chirurgiens obstétriques italiens avec laquelle j’avais travaillé par le passé. Nous avons lancé le premier webinaire d’Invivox afin de lister les bonnes pratiques de soins en cette période. Nous avons accueilli 800 professionnels." L’offre, qui se restructure pour laisser place à la formation à distance, tape dans l’œil du gouvernement. Le ministère de la Santé référence alors Invivox comme une solution de partage des connaissances médicales. "Former des milliers de pros de santé aux gestes utiles était notre contribution face à la pandémie", conclut l’entrepreneur.
"Avec 350 000 professionnels de santé inscrits à nos formations, nous avons la capacité d’adresser des contenus à des communautés extrêmement ciblées"
Se former de façon rapide, ludique et permanente
"Avec 350 000 professionnels de santé inscrits à nos formations, nous avons la capacité d’adresser des contenus à des communautés extrêmement ciblées". Un réseau solide, indépendant et des success stories à la clé. Le "kézako du dermato", lancé par la dermatologue Anne Gresset-Chaussade, en est une illustration. À l’époque, la petite ville de Beaune ne compte que deux dermatologues et des temps d’attente de plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous. Après avoir créé un groupe Facebook pour diffuser des cas pratiques auprès de médecins généralistes, la dermatologue bascule sur Invivox pour ouvrir à tous les pros de santé ses quizz imagés accompagnés de topos pratiques. La communauté compte aujourd’hui 22 000 abonnés. Les infirmières ne sont pas non plus en reste. Grâce aux docteurs Molinaro et Taboulet, tous deux cardiologues, des milliers d’entre elles apprennent à lire des électrocardiogrammes.
Tandis que ces contenus à la carte sont gratuits pour les utilisateurs, les diffuseurs règlent un abonnement mensuel. Le tout, accessible sur tous les supports, à commencer par le téléphone portable. Parmi les formations proposées par Invivox : les recommandations de la HAS sur la prise en charge du surpoids et de l’obésité. Des pages rendues digestes, interactives et dynamiques grâce aux ingénieurs pédagogiques de la plateforme. En outre, leur collaboration avec les professionnels dédiés permet d’offrir des formats propices à l’apprentissage tel que le micro learning.
Preuve de son efficience sur le marché, la start-up regroupe 5000 contenus et a contribué à former 130 000 professionnels de santé en 2022. La performance se niche jusque dans le taux de récurrence des inscriptions. À terme, Julien Delpech se fixe pour objectif de consolider la plateforme au niveau européen, puis mondial tel "un booking.com de la formation médicale". Pari lancé, car, Julien Delpech le soutient : "Nous sommes passés de l’ère de la formation continue à l’avènement de la formation permanente".
Léa Pierre-Joseph
Page d'accueil de la plateforme Invivox