À la force du caractère, Virginie Dubost a appris à avancer malgré son handicap. À travers les réseaux sociaux et des interventions à la radio notamment, elle s’attache à faire évoluer les mentalités et les environnements inadaptés aux personnes à mobilité réduite. 

 

Sur les réseaux sociaux, Virginie Dubost aime à exposer son quotidien. "Les aventures d’une brunette à roulettes", comme elle les surnomme, cumulent près de 7000 abonnés sur Instagram et 10 000 sur LinkedIn. Les photos d’elle dans la pose du poirier s’intercalent entre clichés et captures vidéos de sa nouvelle vie, rythmé par un entretien physiologique avec l’assistance d’un exosquelette et des expériences inédites, en fauteuil.

Virginie Dubost inspire quelque chose de vif et d’authentique. Après une dizaine d’années à exercer dans le secteur du luxe, elle éprouve le besoin de faire une pause. Elle quitte alors la vie parisienne et le stress de son environnement de travail pour se laisser porter au fil des rencontres en Amérique latine et suivre "son rêve de toujours" : six mois de congé sabbatique en sac à dos. Une escale au Costa Rica lui permet de s’essayer au surf. "Le sport national là-bas, c’était un passage obligé", précise-t-elle. Mais pendant le cours, après une vague mal gérée, sa tête heurte le fond.

Parcours de soins, parcours du combattant

"La moelle épinière a été lésée, ç’a été radical", commente Virginie Dubost. Sans assurance, un rapatriement en avion médicalisé s’avère difficile. Le diagnostic initial de tétraplégie complète et d’aide respiratoire à vie transforme en parcours du combattant la recherche d’un hôpital parisien favorable à son admission. Dans un système de santé qui s’attache désormais à une durée moyenne de séjour à la baisse, accueillir un patient en long séjour affecte l’efficience d’un service hospitalier. "Avant même le combat physique, […] une lutte administrative […] s’engageait", analyse-t-elle. La famille, les amis et même les clients participent à l’effort collectif pour huiler les mécaniques de ce parcours de soins laborieux. L’hospitalisation dans le service de réanimation précède le temps de la rééducation : "Un sport de haut niveau tant c’était épuisant." Au-delà de la trachéotomie pour assurer l’aide respiratoire, le halo crânien et le corset consolidaient les cervicales afin de soutenir la décompression de la moelle épinière. "La première mise au fauteuil, la verticalisation, réapprendre à marcher sont des étapes plus incroyables les unes que les autres. En général, les personnes qui ont de si hautes lésions ne survivent pas".

"La première mise au fauteuil, la verticalisation, réapprendre à marcher sont des étapes plus incroyables les unes que les autres"

L’après

Aujourd’hui, Virginie Dubost est tétraplégique incomplète et conserve une part de sensibilité et de motricité. Mais rien de comparable avec ce qu’elle était auparavant : "Passer d’une liberté extrême à l’autre bout du monde à une dépendance complète est un choc brutal". À la sortie de l’hôpital, il lui faut rechercher un logement adapté. Là encore, une course jalonnée d’obstacles s’engage, d’autant plus à Paris. Et parmi les défis de cette nouvelle vie, réorganiser ses routines pour compenser le manque d’autonomie devient une priorité. Avec des infirmières et des auxiliaires de vie matin et soir, les journées s’apparentent à un défilé d’aidantes. Si l’on peut compter sur les prestataires de soins, "les intervenants sont toujours différents. Tout réexpliquer à chaque fois est compliqué et fatigant". Accepter d’être aidée pour se doucher, s’habiller, cuisiner, c’est aussi concéder de "perdre en pudeur et en intimité".

Pour reprendre le pouvoir sur son corps, les séances de sport avec l’assistance d’un exosquelette sont indispensables. "La station debout a des bienfaits pour l'organisme, au niveau osseux, des organes, du transit, mais également pour l'aspect psychologique. Le fait d'être à la hauteur humaine et de parler aux personnes dans les yeux est assez libérateur." Ces séances chez Station debout, studio de sport et centre de recherche financé grâce aux dons et au mécénat, permettent aux blessés médullaires (lésions de la moelle épinière entraînant un handicap séquellaire) de maintenir une activité physique adaptée. Le centre est à l’avant-garde en matière de protocoles sur de nouvelles machines. Parmi les innovations disponibles, l’exosquelette de la start-up française Wandercraft, dont Virginie Dubost se présente comme l’une des plus ferventes "fans".

"Le handicap touche 12 millions de Français dont 80% sont porteurs d’un handicap invisible."

Porte-drapeau

"Le handicap touche 12 millions de Français dont 80% sont porteurs d’un handicap invisible." Citer ces chiffres, c’est aussi accorder une place plus importante à toutes ces personnes. "Aujourd’hui, nous sommes la minorité la plus discriminée en termes d’accès aux loisirs, au sport, à l’emploi, au logement et aux établissements", soutient Virginie Dubost. "Devoir organiser chaque sortie au détail près, vérifier l’accessibilité de chaque lieu et rue ne laisse plus aucune place à la spontanéité".

Sur les réseaux sociaux, Virginie Dubost sensibilise le plus grand nombre au handicap et à ses tabous. "Avant d’être en situation de handicap, j'étais la première à [dé]tourner la tête quand je voyais quelqu'un en fauteuil. Je ne savais pas comment aborder la chose." Le ton humoristique et déculpabilisant qu’elle emploie est désormais un exutoire pour deux publics : les profanes et les personnes familières du sujet, qui peuvent transmettre leurs astuces. Le rôle de porte-drapeau lui a ouvert la voie de nombreuses opportunités, y compris des prises de parole dans des podcasts, à la radio mais aussi à travers la participation à un défilé de mode. Virginie Dubost multiplie les projets. "La brunette à roulettes" entend désormais renforcer son activité d’intervenante en entreprise sur le handicap et s’associer à une marque de prêt-à-porter pour développer une ligne de vêtements pensée pour les personnes à mobilité réduite.

Léa Pierre-Joseph

 

Virginie Dubost avec fauteuil