"Fasciste", "nazi", "suppôt d’extrême droite", "traitre" voire "collabeur". Amine El Khatmi peut se vanter de collectionner les insultes de la part d’une large frange de la nouvelle gauche. Celle qui met la notion de race au centre du débat public, censure tout contradicteur, trouve des circonstances aux agresseurs de Mila, reste silencieuse face à Sarah Halimi, ou soutient jusqu’au bout le CCIF... Tout cela pour laisser partir une partie du peuple de gauche vers l’abstention, le RN ou la Macronie.
Casseur de business
Quel crime a pu commettre Amine El Khatmi pour mériter une telle mise au pilori ? Tout simplement défendre des idées telles que l’universalisme républicain, la laïcité ou la prédominance du social sur le racial. Fils d’immigré marocain, issu d’une cité populaire d’Avignon, passé par le parti socialiste, le trentenaire sait de quoi il parle lorsqu’il fustige certaines dérives d’un bord politique dont il se réclame toujours. En bref, le président du Printemps républicain est légitime lorsqu’il s’attaque à un business model qui, à défaut de séduire les électeurs, gagne du terrain dans les médias ou à l’université. Il faut donc le détruire, le disqualifier, le caricaturer et faire disparaître sa pensée .
Pas de chance, il la dévoile avec précision dans l’ouvrage Printemps républicain qui a tout du livre programme. Intégration, éducation, santé, sécurité, citoyenneté, écologie...Le trublion de la gauche tricolore y dévoile un projet et, qui sait, des ambitions politiques.
La gauche qui gagne ?
Qu’en dire ? Globalement, il s’agit d’un ouvrage politique comme il en existe beaucoup. Amine El Khatmi n’échappe pas à certains travers de ses confrères de gauche ou de droite : proposer des mesures qui existent déjà ou qui sont infinançables. Par exemple, "dédier un corps d’enseignants spécifiques dédiés à l’éducation artistique et culturelle" alors que des professeurs de musique et d’art plastique sont à pied d’oeuvre. Citons également la proposition de doubler le salaire des professeurs dans les établissements scolaires sensibles, la généralisation de l’aide aux devoirs (ce qui suppose un retour aux emplois aidés ?). Mais d’autres pistes peuvent susciter l’intérêt des dirigeants. Citons notamment le fait de sanctionner les communes qui créent sciemment des ghettos ou encore les projets de lutte contre la désertification médicale (antennes de facultés de médecine dans des petites villes), la réforme de la cérémonie de naturalisation.
Le tout reste cohérent et s’inspire en grande partie des mesures de la gauche danoise qui, il y a quelques années a revu entièrement son logiciel idéologique en se reposant sur des jeunes élus, bien souvent issus de milieux modestes ou d’origine étrangère. Un aggiornamento qui a permis à la social-démocratie de revenir au pouvoir, de s’y ancrer solidement et de faire décliner la droite populiste.
Lucas Jakubowicz
Printemps républicain, Amine El Khatmi, éditions de l’Observatoire, 138 pages, 15 euros