Si les Français restent majoritairement attachés à l’absence de signes religieux dans les écoles et les lycées publics, les choses changent peu à peu dans la jeunesse et chez les sympathisants de gauche.
Il y a trois ans, l’Ifop a posé à un échantillon représentatif de Français la question suivante : "Personnellement, seriez-vous favorable ou opposé au port de signes religieux ostensibles comme le voile, la kippa, le turban ou la croix par les élèves dans les collèges et les lycées publics ?". Verdict, 25 % seulement des personnes interrogées se déclaraient favorables à la mise en avant de signes religieux. En mai 2023, l’institut a posé la même question et les choses ont peu changé puisque la proportion est de 23 %.
Sur le plan du statut social, du niveau d’instruction ou de la richesse, il existe peu de différences flagrantes. En revanche, plusieurs indicateurs permettent de déceler les Français qui souhaitent en finir avec la loi du 15 mars 2004 "encadrant en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse".
Fossé générationnel
Il existe sur la question un véritable fossé générationnel. La situation a le mérite de la clarté : plus on est jeune plus on est favorable au port de signes religieux ostensibles. Ainsi, 46 % des 18-24 ans le sont, soit le pourcentage le plus élevé de l’étude. La proportion baisse à 32 % chez les 25-34 ans, à 23 % chez les 35-49 ans, à 17 % chez les 50-64 ans puis à 14 % chez les plus de 65 ans.
En revanche, l’étude n’explique pas les raisons de ce clivage. Les jeunes seraient-ils plus pratiquants que leurs aînés ? Sont-ils influencés par le communautarisme anglo-saxon ? Attachés à la liberté individuelle de s’habiller à sa guise ? Il serait intéressant de mener une enquête sur ce décalage qui pourrait mettre, à terme, la "laïcité à la française" en péril.
46% des 18-24 souhaitent autoriser les signes religieux ostensibles dans les collèges et les lycées contre 14% des plus de 65 ans
Clivage gauche droite
Georges Clemenceau, Léon Blum, Jean Jaurès, Georges Marchais et les grandes figures de la gauche républicaine du XIXe et du XXe siècle doivent se retourner dans leur tombe. Naguère intransigeante sur les questions de laïcité, la gauche devient le bord politique qui souhaite le plus le retour des signes religieux dans les "Temples" de la République que sont les collèges et les lycées publics.
Bien sûr, les Français de gauche restent attachés à la laïcité traditionnelle. Mais des fissures se creusent. Ainsi, 37 % des sympathisants LFI sont pour autoriser voile, kippa, turban ou croix dans les collèges et les lycées publics. La proportion est de 33 % pour les sympathisants communistes, 39 % pour ceux d’EELV. En revanche, chez LR, le chiffre est de 16 % tout comme au RN. Reconquête étant à 8 %. Les électeurs d’Emmanuel Macron pour leur part sont à 21 %.
Ce sont les sympathisants LFI qui sont le plus favorables aux signes religieux ostensibles dans les collèges et les lycées
Être religieux, c’est être anti-laïque ?
L’appartenance revendiquée à une religion a-t-elle un impact sur le rapport à la loi de 2004 ? Oui et non. Ainsi, les catholiques pratiquants ne sont que 23 % à être favorables au port de signes religieux ostensibles dans les collèges et les lycées, soit exactement comme la moyenne nationale. Mais ceux que l’Ifop qualifie pudiquement de croyants "d’une autre religion" sont 59 %... Chez les sans religion le taux est de 20 %.
Religieux des villes, laïcs des champs ?
L’Ifop met également en évidence une rupture basée sur le lieu d’habitation. Plus la zone est urbaine, plus la volonté d’en finir avec la loi de 2004 est forte. De fait, 34 % des personnes domiciliées dans l’agglomération parisienne se déclarent favorables à la présence de voiles, kippas, turbans ou autres croix dans les collèges et les lycées publics contre 22 % dans les villes de province et 18 % dans les communes rurales. Ce qui est conforme à la cartographie politique. Les électeurs LFI sont les « moins laïques » ? Ils sont élus dans les zones les « moins laïques » puisque 40 % d’entre eux sont implantés en Ile-de-France.
Portrait-robot du Français qui défend le retour des signes religieux ostensibles dans les collèges et lycées : un jeune de 18-24 ans, vivant en agglomération parisienne, électeur de Jean Luc Mélenchon et probablement de culture ou de confession musulmane.
Portrait-robot du Français qui ne veut pas le retour des signes religieux ostensibles dans les collèges et les lycées : une personne plutôt âgée vivant en zone rurale, plutôt de droite et sans religion particulière.