Près de 20 000 personnes ont défilé à Paris pour rendre hommage aux victimes du Hamas lundi 9 octobre. Présence politique, typologie et état d’esprit des manifestants : voici ce qu’il faut retenir d’un rassemblement émouvant et digne.
Attaqué par surprise, en deuil, le peuple israélien traverse depuis quelques jours l’un des moments les plus douloureux de son Histoire. Les images de la manifestation parisienne de soutien, organisée dans un délai très serré par le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), ont dû apporter un peu de baume au cœur à une population qui souffre.
De la place Victor Hugo à l’esplanade du Trocadéro, plus de 20 000 personnes ont défilé lundi 9 octobre en fin de journée pour rendre hommage aux morts et témoigner leur solidarité. Un moment d’émotion et de grande dignité conclu par une illumination de la Tour Eiffel aux couleurs d’Israël ainsi que par un Kaddish. Sur scène, pas de discours hormis une rapide prise de parole de Yonathan Arfi, le président du Crif. La foule digne et émue a privilégié le recueillement même si certains slogans tels que "Israël vivra, Israël vaincra" ou "Libérez les otages" ont retenti. À la tête du cortège, une bannière indiquait clairement l’objectif de la marche : "Terrorisme ici, là-bas, même combat, soutien à Israël".
Politiques : union (quasi) nationale
De nombreuses personnalités politiques ont fait le déplacement. La majorité macroniste a dépêché sur place plusieurs "poids lourds". Parmi eux, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, le président du groupe Renaissance Sylvain Maillard, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran ou encore le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini. À gauche, Anne Hidalgo était en première ligne accompagnée de Boris Vallaud, président du groupe PS au Palais Bourbon, d’Ariel Weil maire de Paris Centre, du député de l’Essonne Jérôme Guedj. Les écologistes étaient représentés par Yannick Jadot, ancien candidat à la présidentielle, désormais sénateur de Paris tandis que le PCF avait envoyé une délégation. LFI a brillé par son absence et est le seul parti politique d’envergure d’Occident à prendre subtilement fait et cause pour le Hamas.
A droite, LR est la force qui a envoyé le plus de responsables sur place. Parmi eux, citons Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand, David Lisnard. Mentionnons également que quelques "retraités" comme Nicolas Sarkozy ou Manuel Valls ont témoigné de leur soutien en prenant part au défilé.
Que cela plaise ou non, l'extrême gauche était de facto considérée comme plus antisémite que l'extrême droite
Politiquement, une rupture doit être soulignée. Le RN avait envoyé une délégation constituée des députés Julien Odoul, Edwige Diaz, Frédéric Falcon et Caroline Colombier. Malgré le passé du parti, ils ont été tolérés dans la foule. Il s’agit d’une rupture de taille puisque pour la première fois, des représentants de cette famille politique n’ont pas été exclus du cortège (ce fut le cas en mars 2018 lors de la marche en hommage à Mireille Knoll). Que cela plaise ou non, de facto les Insoumis sont désormais considérés comme plus antisémites que le RN. À cet égard, la marche du 9 octobre pourrait marquer une rupture. Soulignons également la présence d’Éric Zemmour malgré des relations plus que tendues avec le Crif, organisateur de l’évènement. Si le candidat à la présidentielle a été hué par certains, d’autres (plutôt jeunes) l’ont acclamé.
Que des Juifs ?
Malgré tout, difficile de ne pas ressentir un pincement au cœur en se penchant sur la sociologie des manifestants. Si tous les âges et les générations étaient représentés, les personnes de religion ou d’origine juive semblaient largement majoritaires. Le drapeau de l’État hébreu était bien plus présent que celui de la France, l’hymne national israélien, Hatikva, était chanté à pleins poumons au moins autant que la Marseillaise. Dans le cortège, certains participants déploraient cela : "On a le sentiment d’être un peu seuls", "Seuls les Juifs, les amis intimes des Juifs et quelques personnalités politiques étaient là". Sur le plateau de BFM, l’avocat Arno Klarsfeld connu pour son franc-parler, a lui aussi mis les pieds dans le plat : "Il n’y avait pratiquement que des Juifs". Même constat du côté du député PS de l’Essonne Jérôme Guedj : "Le rassemblement de soutien qui a eu lieu ce soir à Paris me rassure, mais je n’ai pas l’impression qu’il ait franchi les limites d’un noyau communautaire juif ".
De là à conclure que l’ensemble de la communauté nationale est indifférent, que la société est devenue si archipelisée que chacun ne se lève que pour sa communauté religieuse, régionale ou politique il y a un pas. Que l’on ne franchira pas.
L’appel à défiler a été lancé par le Crif quelques heures avant le début du rassemblement. Avec un délai aussi serré entre l’annonce et le départ du cortège, l’information n’a pas pu circuler suffisamment longtemps pour attirer des milliers de manifestants qui auraient pu se joindre à la marche. Les personnes venues de grande banlieue ou de province désireuses d’apporter leur soutien aux victimes du terrorisme n’ont pas pu se rendre sur place.
Les organisateurs ont privilégié la réactivité. Malgré tout, les rues étaient noires de monde et l’opinion publique française semble solidaire avec le peuple israélien. Le tollé suscité par les prises de position de LFI qui renvoie dos à dos agresseur et agressé en est la preuve. Les prochaines études d’opinion sur les attaques terroristes du week-end dernier montreront sans doute que sans descendre dans la rue, les Français ont choisi leur camp. Français et Israéliens, qu’ils le veuillent ou non sont unis par le sang, les deux nations ont été frappées par un terrorisme islamiste qui souhaite avant toute chose détruire leurs valeurs et leur ouverture au monde.
Lucas Jakubowicz, sur place