L’image du leader Insoumis se détériore année après année au point d’atteindre un point de non-retour. Son rejet est particulièrement important chez les électeurs de gauche qui désespèrent de voir leur bord revenir au pouvoir tant qu’il sera présent.
Chez LFI, il existe une règle somme toute assez simple : ignorer les critiques. Elles proviendraient de jaloux, de puissants effrayés ainsi que de médias et de sondeurs à leur solde. La seule ligne valable est celle de Jean-Luc Mélenchon. Malheur à quiconque ose la remettre en cause, il sera traité de "chien de garde", de "raciste", "d’islamophobe", de "facho", de "hollandiste", de "vallsiste", de "réac", de "bourgeois", de "droitard", de "journalope" et d’autres termes aussi peu amènes.
En faisant preuve d’unité face aux offensives de leurs opposants et en répondant coup pour coup, les Insoumis solidifient leur socle et suscitent l’enthousiasme de leur base. Mais ils s’éloignent de la majorité des Français, y compris lorsqu’ils votent à gauche. Le sondage Ifop Fiducial Le regard des Français sur Jean-Luc Mélenchon, publié en mai 2024, est à cet égard révélateur.
Une image profondément dégradée
Depuis 2017, dans ses enquêtes barométriques, l’Ifop mesure son image globale auprès de tous les Français. Sur toutes les variables, le leader officieux de la gauche française atteint des chiffres extrêmement préoccupants. Plus alarmant pour lui, son image se détériore année après année au point d’en faire une sorte de croquemitaine pour un nombre non négligeable d’électeurs. L’image d’enseignant pédagogue, laïque et humaniste promettant une sixième République n’existe plus. Hormis, peut-être, auprès d’un noyau dur.
Ainsi, Jean-Luc Mélenchon inquiète 61 % des Français contre seulement 38 % en avril 2017 et 53 % en septembre 2022. Seules 28 % des personnes interrogées considèrent qu’il est attaché aux valeurs démocratiques, et uniquement 24 % le trouvent sympathique contre 42% en mai 2022. Soulignons un autre paradoxe : celui qui se veut candidat du peuple et des catégories populaires n’est pas perçu comme il se l’imagine. Alors qu’en 2017, 76 % des personnes interrogées par l’Ifop estimaient le chef de LFI "proche des préoccupations des Français", le score n’est plus que de 31 % aujourd’hui.
Certes, pour être un bon dirigeant, il n’est pas forcément nécessaire d’être sympathique ou de paraître proche du peuple. Après tout, à gauche, François Mitterrand n’a jamais été crédité de ces qualités.
D’autres valeurs sont plus que vitales. Parmi elles, la compétence, la capacité à gouverner le pays ou encore la capacité à incarner l’unité nationale. Sur tous ces points, le triple candidat à la présidentielle obtient des résultats qui le cornérisent sur la scène politique. Seuls 28 % des Français le trouvent compétent tandis que 22% d’entre eux estiment qu’il est "capable de gouverner le pays" et "de rassembler les Français". Son image est donc globalement celle d’un dirigeant extrémiste et populiste. Logiquement, 79 % des Français ne veulent pas de lui comme candidat à la présidentielle de 2027.
74% des sympathisants Insoumis souhaitent que Jean-Luc Mélenchon soit candidat à la présidentielle de 2027. Mais 79% des Français disent non
Pour la gauche, le problème est épineux. Si Jean-Luc Mélenchon fait le choix du populisme, de la conflictualisation à outrance et du « bruit et de la fureur », rappelons un fait têtu : il faut rassembler plus de la moitié des électeurs pour exercer le pouvoir. Ce que la stratégie de Jean-Luc Mélenchon ne permet pas en l’état.
Lâché par la gauche ?
Une partie du peuple de gauche souhaite tourner la page Mélenchon. 57 % des électeurs se positionnant à gauche qualifient l’ancien député de Marseille d’inquiétant. Point notable, les sympathisants des partis membres de la Nupes sont les plus rétifs puisque 59 % des socialistes et 71 % des écologistes se disent "inquiets" par celui qui a pourtant permis à leur camp de retrouver des couleurs aux dernières législatives. Toujours au sein de la Nupes, seuls 32 % des sympathisants écologistes et 21 % des sympathisants PS considèrent que "Jean-Luc Mélenchon est capable de rassembler les Français".
La question sous-jacente est donc la suivante : Jean-Luc Mélenchon est-il dépassé ? Si 66 % des Français répondent "oui", ceux positionnés à gauche sont sur la même longueur d’onde avec un taux de 64 %. 71 % des socialistes et 76 % des écologistes répondent par l’affirmative, soit une moyenne supérieure à celle de l’ensemble des électeurs ! Chez les sympathisants Insoumis le score est de 38 % seulement.
Les Insoumis en décalage avec l’opinion
Jean-Luc Mélenchon dispose toutefois d’un certain atout. Les sympathisants Insoumis plébiscitent leur chef. Son image est très bonne auprès de ses troupes qui sont en revanche en décalage total avec le reste de l’opinion publique et des électeurs de gauche.
Pour 89 % des Insoumis, il est proche des préoccupations des Français et attaché aux valeurs démocratiques (contre 28 % et 31 % dans l’ensemble de la population). De même, ils sont respectivement 88 % et 87 % à le considérer comme attaché aux valeurs démocratiques et compétent, et 80 % à le trouver sympathique. 3 sympathisants Insoumis sur 4 souhaitent qu’il brigue l’Élysée en 2027.
Attention toutefois, le but d’un leader politique n’est pas forcément d’être adulé par ses militants. Comme le soulignaient Jacques Chirac et Lionel Jospin en off durant leur débat de 1995, c’est avant tout aux Français qu’il faut parler.
Lucas Jakubowicz
Méthodologie
L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 990 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d'agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 2 au 3 mai 2024.