Dans son premier débat face à la candidate démocrate, Donald Trump a affirmé que les migrants mangeaient les chats et les chiens d’honnêtes citoyens américains. Cette fake news a été distillée dans un but bien précis…
Il était attendu de longue date, il a finalement eu lieu comme prévu. Diffusé sur la chaîne ABC, le débat entre Kamala Harris et Donald Trump a passionné les spectateurs et a tourné en faveur de la démocrate. Reste à savoir si cela lui permettra de creuser l’écart dans les sondages.
Le facteur "chien"
Pour gagner les élections aux pays de l’Oncle Sam, les stratèges politiques n’ont aucun scrupule à s’inspirer du marketing en segmentant les électeurs : jeunes, vieux, Blancs, Latinos, Afro-américains…
Une niche méconnue du grand public est indispensable pour remporter le scrutin : les amateurs et possesseurs d’animaux de compagnie. Il s’agit d’un vivier important puisque 70% des ménages de la première puissance mondiale en possèdent.
Les candidats n’ont pas le choix, ils doivent montrer qu’ils aiment et choient une bête, mignonne si possible. Ce n’est pas un hasard si tous les président depuis plus d’un siècle (sauf Donald Trump, nous y viendrons) ont posé avec leur chien. Cet exercice permet de montrer que le chef est "comme les autres citoyens", qu’il possède des vertus de patience, d’empathie, d’amour propres à chaque propriétaire d’animal.
L’importance du chien dans la vie politique américaine peut s’illustrer à travers quelques exemples : En 2012, le candidat républicain Mitt Romney a été pénalisé dans les études d’opinion à cause d’un épisode a priori anodin : il était habitué à partir en vacances avec le chien sur le toit du véhicule familial, ce qui fut décrit par les démocrates comme de la maltraitance. Pendant ce temps, Barack Obama se montrait affectueux envers son chien d’eau portugais, Bo. En 2016, lorsqu’il s’est lancé dans la primaire démocrate, Joe Biden a adopté Champ, un berger allemand. Coïncidence ou non, des sondages ont montré que cette race était la préférée des habitants des swing states passés dans le camp Trump puis reconquis par Biden. Kamala Harris ne déroge pas à la tradition et défend de longue date le droit de venir au travail avec son animal de compagnie.
Kamala Harris défend le droit de venir au travail avec son chien
La rupture Trump
Lorsqu’il s’est lancé en politique, Donald Trump a joué la carte de la rupture : Non seulement il était le seul candidat depuis un siècle à ne pas posséder un animal de compagnie, mais il s’en vantait. "De quoi aurais-je l’air avec un chien en laisse sur la pelouse de la Maison Blanche ?" aimait-il à répéter durant sa première campagne présidentielle. Pire encore, le terme "dog" était à ses yeux une insulte destinée à rabaisser les opposants. Les Américains, désireux alors de renverser la table, ne lui en ont pas tenu rigueur. Mais, à la présidentielle suivante, l’un des slogans de Joe Biden diffusé en boucle à la télé était : "Donald Trump est le seul président à ne pas avoir d’animal. Qui aime les bêtes aime les gens…".
Fake news, xénophobie et animaux : le Donald nouveau est arrivé !
Donald Trump a-t-il tenu compte de ce revers ? Oui et non. À 78 ans, il n’a pas changé ses habitudes et forcé son caractère en adoptant un chien. En revanche, lors du débat du 10 septembre, il s’est adressé aux propriétaires d’animaux de compagnie en soulignant que le trumpisme leur serait profitable. Il veut combattre fermement l’immigration illégale ?
C’est parce qu’elle est dangereuse pour les chouchous à poils ou à plumes. La preuve, à Springfield, ville de l’Ohio où s’est implantée récemment une forte communauté haïtienne, "ils mangent des chiens, ils mangent des chats, ils mangent des animaux de compagnie". Une situation qui arriverait "aux villes à travers les États-Unis et beaucoup ne veulent pas en parler". Le message est simple : votez Trump et boutez les migrants hors du pays si vous aimez les bêtes.
Les proches partisans de Trump reprennent cet argumentaire sur les réseaux sociaux. La rumeur a été lancée par JD Vance colistier de Donald Trump et élu de l’Ohio. Le ténor républicain Ted Cruz ou Elon Musk ont repris massivement cet élément de langage sur X.
Ce nouvel amour immodéré pour les animaux est donc électoraliste et utilise une valeur sûre du trumpisme : les fake news. Car évidemment, la situation à Springfield est inventée de toute pièce.
La mairie de la ville a d’ailleurs communiqué officiellement : "En réponse aux récentes rumeurs, nous souhaitons préciser qu’il n’y a eu aucun rapport crédible ni aucune allégation spécifique selon laquelle des animaux de compagnie auraient été blessés ou maltraités par des individus au sein de la communauté immigrée". Le nouveau Trump reste donc fidèle a un concept qui lui est cher, celui de la vérité alternative. Si l'on en croit les derniers sondages, cela ne prend plus hormis chez une base dévouée.
Lucas Jakubowicz
Lire : "Un animal pour les gouverner tous. Comment les dirigeants politiques exploitent les bêtes pour nous manipuler", Lucas Jakubowicz, Arhkê, 192 pages, 17,50 euros.