La France ne peut se permettre de ne plus avoir de représentants écologistes au Parlement européen estime Flora Ghebali entrepreneure, essayiste et candidate aux élections européennes sur la liste menée par Marie Toussaint.
Les médias posent souvent cette question à Marie Toussaint, tête de liste écologistes aux élections européennes : "Craignez-vous de tomber sous la barre fatidique des 5% et de ne pas avoir d’élus au parlement européen ?" Comme s’il s’agissait là d’une question purement politique qui permet de jouer à l’infini les petites batailles politiciennes. Mais le sujet est nettement plus profond.
Au Parlement européen, il n’y a pas d’écologie sans les écologistes, chaque vote sous la précédente mandature l’a prouvé. Plus globalement, l’histoire contemporaine nous montre que les propositions des écologistes deviennent souvent consensuelles après quelques années. C’est le cas du protectionnisme économique, en passe de devenir consensuel même chez les libéraux. Prenons l’exemple du Ceta, accord sur le libre-échange, pourfendu depuis toujours par les écologistes, rejeté par le Sénat de droite le mois dernier.
Voici précisément le problème, nous n’avons pas le luxe d’avoir raison trop tôt, nous n’avons pas "quelques années" devant nous, mais à peine deux ou trois pour suivre les recommandations du Giec et inverser la courbe des émissions. À court terme, si nous voulons éviter de remplacer le Pacte vert par le Pacte brun, il nous reste dix jours pour nous reprendre en main.
Au Parlement européen, il n' y pas d'écologie sans les écologistes, chaque vote l'a prouvé
L’écologie est une garantie économique
Comment avoir une économie performante si les ressources viennent à manquer ou que les conditions de travail deviennent insoutenables ? A l’été 2023, 72 degrés ont été enregistrés dans la cuisine d’un restaurant parisien contraint de fermer ses portes pour une semaine. À Toulouse, la canicule a duré plus de quinze jours consécutifs. Les syndicats commencent à demander des horaires aménagés pour les travailleurs pendant les canicules. Les prix de toutes nos assurances ont augmenté de 5% cette année à cause des inondations dans le Pas-de-Calais l’hiver dernier. La région des Haut-de-France, bassin industriel français, est considérée comme la deuxième région la plus vulnérable d’Europe face aux risques climatiques.
Comment garantir le fonctionnement de notre pays si les assurances n’assurent plus sereinement l’économie ? Le chercheur Simon Porcher, signe un livre au titre choc La fin de l’eau ? dans l’indifférence quasi générale alors qu’on estime à moyen terme des pénuries d’eau douce sur tout le globe. Au-delà d’être vitale, l’eau est essentielle à l’économie - agriculture, construction, énergie, transports et à la paix puisque les conflits sur l’eau risquent de se multiplier à mesure de sa raréfaction.
Bâtir une Europe qui protège, c’est le sens de l’histoire.
Les résultats positifs des écologistes aux élections européennes de 2019 ont conduit Ursula von der Leyen, présidente de la commission européenne, à proposer le Pacte vert. Ce sont les résultats de 2019 qui ont permis d’affirmer l’ambition verte de l'UE de devenir le premier continent neutre en carbone à l'horizon 2050. Mais voilà qu’à peine tricoté, le Pacte vert est menacé. Il doit être mis en pause pour certains, détricoté pour d’autres. Il est pourtant la seule solution que nous ayons pour bâtir une Europe qui protège.
L'écologie politique souffre de sa réputation "cheveux bleus et sarouel"
Chaque jour, l’actualité nous donne des exemples tragiques liés aux bouleversements écologiques. Rien qu’aujourd’hui, nous apprenons que l’endométriose, cette maladie qui touche une femme sur dix en France pourrait être causée par les polluants éternels que l’on trouve dans l’eau. Alors oui, l’écologie politique doit se remettre en question. Elle souffre de sa réputation "cheveux bleus et sarouel". Je n’ai jamais hésité à reprendre la désormais célèbre phrase de Bruno Latour qui assène que "l’écologie politique réussit l’exploit de paniquer les esprits et de les faire bailler d’ennui". Mais plus que jamais, la France a besoin d’eurodéputés écologistes au Parlement européen. Ce sont eux qui font émerger les idées, qui bâtissent des coalitions, qui influencent les autres partis. Sans eux, nous risquons un recul écologique majeur qui compromet nos chances de faire économie et de vivre en paix à court terme.
Flora Ghebali