Des centristes, des libéraux, des conservateurs, énormément d’élus locaux bien implantés dans les territoires : le nouveau gouvernement de Michel Barnier a un furieux goût d’UMP sauce Chirac.
Le 21 avril 2002 est une date fondamentale dans l’histoire de la politique française. Pour la première fois, l’extrême droite accède à un second tour de présidentielle. Pour faire face, Jacques Chirac enterre le RPR et bâtit une nouvelle structure : l’UMP. Mission, regrouper sous une seule bannière et dans un gouvernement toutes les composantes de la droite et du centre.
Une situation qui ressemble quelque peu à septembre 2024. Face à un RN plus fort que jamais, toutes les chapelles se sont coalisées pour gouverner la France et empêcher l’extrême droite de prospérer. Certes, chacun garde son parti. Mais au sein du gouvernement Barnier, tous sont rassemblés. Si certains estiment que le gouvernement est trop à droite, son équilibre ressemble fort au "cru Raffarin" de 2002. Voici les principales familles politiques représentées.
Les conservateurs : LR compte un courant conservateur ferme sur la sécurité et l’immigration ainsi que sur les questions sociétales. Son chef de file, Bruno Retailleau, devient l’un des hommes forts de l’exécutif, il succède à Gérald Darmanin Place Beauvau. Outre le premier flic de France, mentionnons également l’universitaire et député alsacien Patrick Hetzel au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. La sénatrice Laurence Garnier, figure du pôle conservateur, était pressentie à la famille. Mais face à la fronde des centristes, elle a été contrainte de faire machine arrière et de se consoler avec un strapontin plus modeste, celui de secrétaire d’État à la consommation.
Les libéraux : Le libéralisme est réduit à l’état de courant dans le camp macroniste et chez LR. Mais les adeptes de cette philosophie politique ont un certain poids dans le gouvernement Barnier. Benjamin Haddad, député macroniste de Paris, devient ministre chargé de l’Europe, Guillaume Kasbarian est nommé ministre de la Fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique. Il était jusqu’à présent au Logement.
Les macronistes historiques : Désormais, les "macronistes historiques" deviennent une famille parmi d’autres au sein du centre et de la droite. Mais elle reste bien représentée au sein du nouvel exécutif. Les lecteurs d’Harry Potter comprendront l’allusion, Bercy est une sorte de professeur de défense contre les forces du mal. Le poste est maudit et il n’y a que des coups à prendre. La preuve, aucun poids lourd n’a souhaité "s’y coller". Le poste revient au député de Haute-Savoie Antoine Armand, un fidèle du président. Le "clan macroniste" comprend aussi la députée Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement ou encore Marc Ferracci, ministre délégué à l’Industrie. Autre poste, non des moindres, dans l’escarcelle macroniste : celui de l’Éducation nationale occupé par Anne Genetet, députée des Français de l’étranger également.
Certains macronistes plutôt dotés d’une sensibilité de gauche font partie du nouvel équipage. Parmi eux, Agnès Panier-Runacher hérite du poste sensible de la Transition écologique tandis qu’Astrid Panosyan-Bouvet, députée de Paris, est la nouvelle ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion. Mentionnons également Laurent Saint-Martin, ancien PS, rapporteur du Budget et candidat LREM aux régionales en Ile-de-France devenu ministre du Budget et des Comptes publics, portefeuille ô combien sensible !
LR "canal historique" : Malgré des années de vaches maigres, les tentations de la macronie, la possibilité de rallier Édouard Philippe, ils sont restés fidèles à leur parti d’origine. Et ce qui était impensable avant la dissolution s’est réalisé : ils entrent au gouvernement. Vice-présidente de l’Assemblée nationale, Annie Genevard, qui fut présidente par intérim des LR en 2022, succède à Marc Fesneau à l’Agriculture. Elle était pourtant hostile à l’entrée de son parti au gouvernement.
Citons aussi le filloniste François-Noël Buffet à l’Outre-mer, Marie-Claire Carrère-Gée, secrétaire d’État chargée de la coordination gouvernementale, ou encore Othmane Nasrou, secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations.
Les "pièces rapportées" de la droite : Ils auraient pu être victimes de règlements de compte de la part de leur famille d’origine où ils sont perçus comme des traîtres par beaucoup. Mais leur capacité à faire le lien entre tous les "clans" et leur poids politique en ont décidé autrement. Certains responsables de droite qui ont succombé aux sirènes du macronisme restent en poste. Sébastien Lecornu conserve les Armées, Rachida Dati la Culture. Catherine Vautrin change de poste en passant du Travail à ministre du Partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Le Modem : Le Modem est servi ! Encore une fois François Bayrou n’a pas fait cavalier seul, encore une fois, le Modem a des maroquins. Les heureux élus (ou nommés) sont Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères (il était jusqu’alors en charge de l’Europe), Geneviève Darrieusecq, ministre de la Santé de l’accès au soins, et Marina Ferrari, ministre chargée de l’Économie du tourisme.
Horizons : L'écurie philippiste est elle aussi récompensée mais moins qu'espéré. Elle décroche toutefois le poste de ministre des Solidarités qui revient au député du Nord Paul Christophe.
Autres nominations à mentionner. Aucune figure actuellement encartée dans un parti membre du NFP n’a souhaité monter à bord du navire. La caution de gauche est Didier Migaud, ancien président de la Cour des Comptes et actuellement à la tête de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Cet ancien député PS de l’Isère est le nouveau ministre de la Justice. Bien connue des lecteurs de Décideurs et rare représentante de la société civile, Clara Chappaz qui dirigeait la mission French Tech entre officiellement en politique et occupe le poste de Secrétaire d’État chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.
Lucas Jakubowicz