L’ancien président de la République joue avec application le rôle de simple député de Corrèze. Mais, fidèle à sa stratégie du trou de souris, il ne peut s’empêcher de préparer "l’après". Un après dans lequel il occuperait une place centrale…
Les intéressés n’apprécieront pas forcément le compliment, tant ils sont opposés sur le plan idéologique. Mais Laurent Wauquiez et François Hollande ont un point commun : ces représentants de l’ancien monde ont tous deux profité de la dissolution surprise pour retrouver les bancs de l’Assemblée nationale, tremplin qui leur permettrait d’aller plus loin.
Député "normal"
Depuis le 7 juillet, jour d’ouverture de la XVIIe législature, François Hollande n’est qu’un banal député de la première circonscription de Corrèze. De prime abord, l’ancien président de la République est tel qu’il aime se décrire : normal. Il se plie à la discipline de groupe, ne prend pas la lumière, apporte son expérience à une nouvelle génération d’élus, partage son savoir-faire d’ancien chef d’État en commission des Affaires étrangères au sein de laquelle il n’a aucune fonction honorifique.
Si certains craignaient qu’il ne prenne trop la lumière dans un régime de plus en plus parlementaire, ils se sont trompés. Au contraire, les critiques insistent plutôt son absentéisme. Mais derrière cette image, il suffit de gratter un peu pour constater que le prédécesseur d’Emmanuel Macron vise plus haut.
En campagne depuis sa défaite
"François Hollande est en campagne depuis son départ de l’Élysée, c’est très clair", affirme Philippe Moreau-Chevrolet, communicant et enseignant à Sciences Po Paris. Pour appuyer ses dires, il partage une anecdote : "En février 2023, je participais à un documentaire pour LCP intitulé La disparition? qui portait sur le déclin du PS avec l’auteur Mathieu Sapin. Parmi les participants, il y avait Julien Dray. Pendant qu’il dissertait sur la fin du PS, il échangeait par texto avec François Hollande pour préparer son grand retour sur le devant de la scène".
L’union de la gauche aurait pu lui porter un coup très dur et l’isoler. Contre toute attente, il a profité du NFP pour revenir au centre du jeu, quitte à avaler quelques couleuvres et même un boa constrictor : faire campagne aux côtés des Insoumis. "François Hollande a adoubé le NFP pour mieux l’étrangler, il essaie de s’inspirer de la manière dont François Mitterrand a tué le PCF : s’allier puis réduire LFI au rang de supplétif, une stratégie qu’il compte mettre en place sur le moyen terme", déclare Virginie Martin, cofondatrice du nouveau think tank Spirales.
"François Hollande essaie de s'inspirer de la manière dont François Mitterrand a tué le PCF : s'allier puis réduire LFI au rang de supplétif"
Nostalgie de Hollande ?
Pour retrouver les sommets, le Corrézien tente de miser sur ce qui a en partie permis le retour de Donald Trump au pouvoir. Après une fin de mandat marquée par l’attaque du Capitole, l’opinion publique pensait le républicain "cramé". Durant la présidence de Joe Biden, le président défait utilisait la rhétorique suivante : "J’ai une personnalité spéciale, j’ai des défauts mais, durant ma présidence, c’était tout de même mieux que maintenant."
Fin connaisseur de la communication politique, Philippe Moreau-Chevrolet décèle du Trump chez Hollande : "Il ne cherche pas à gommer les aspects les plus clivants de sa personnalité, tels que ses petites phrases, son côté homme de synthèse, sa maladresse dans son style ou sa démarche." Mais, en même temps, il ne manque pas de jouer la carte "De mon temps, ce n’était pas si mal". Pour le moment, difficile de savoir si cette nostalgie opère. Dans les déplacements, il est plutôt bien accueilli. Mais est-ce lié à son aura d’ancien président et de people ou à un réel amour de la part des Français ? Est-ce lié à une reconnaissance tardive de son bilan ou à son côté bonhomme, patelin et accessible? Les études d’opinion soufflent le chaud et le froid. Dans le baromètre de popularité Ipsos, il est la seconde personnalité de gauche la plus appréciée derrière Raphaël Glucksmann. Mais il ne compte que sur 40 % d’opinion positive ou neutre. Une chose est certaine, vu le fonctionnement du PS, pour espérer quelque chose, il lui faut prendre le contrôle du parti. La mission s’annonce difficile.
Plus le temps passe, plus Olivier Faure renforce son poids grâce aux nouveaux adhérents
Cap sur le congrès
Lors du dernier congrès, celui de Marseille en janvier 2023, Olivier Faure a sauvé son siège in extremis en défendant l’union de la gauche. Depuis, il fait face à deux courants hostiles, Refondations et Refonder-Rassembler-Gouverner qui prônent la prise de distance plus ou moins forte avec LFI. Pour le moment, François Hollande n’a pas lancé sa boutique, mais il couve et "mentore" les anti-Faure. "François Hollande montera à l’assaut au moment qu’il jugera opportun, sa priorité est de mettre Olivier Faure en minorité", analyse Virginie Martin.
Pour cela, il utilise des "proxys" et soutient tous les anti-Faure du parti. En octobre, il était présent au lancement du mouvement La France humaine et forte du maire de Saint-Ouen Karim Bouamrane. Le mois suivant, il s’est rendu aux Rencontres d’automne du parti socialiste organisées à Vaulx-en-Velin par la maire de la ville Hélène Geoffroy. Un édile qui se verrait bien succéder à Olivier Faure à la tête de ce que Léon Blum nommait «la vieille maison ».
Mais les choses s’annoncent très compliquées. Les opposants à l’actuelle direction font face à un problème non pas de démocratie interne mais de démographie interne. "Beaucoup de militants dégoûtés par l’alliance avec la Nupes puis le NFP ont quitté le parti. En revanche, les nouveaux encartés viennent car ils se retrouvent dans ce que propose Olivier Faure", constate Virginie Martin pour qui, "plus le temps passe, plus l’actuelle direction renforce son poids dans l’appareil militant". C’est pour cela que les opposants appellent à un congrès rapidement et que la nouvelle direction temporise.
"Il faut le dire de façon crue, les soutiens de François Hollande, globalement, c'est un club de boomers"
L’armée hollandaise, combien de divisions ?
Au-delà des difficultés à mettre la main sur le parti, François Hollande part avec un certain nombre de boulets au pied. Historiquement, il faut une garde de fidèles expérimentés rompus à l’art de la "popol". Pas de doute, il possède ce type de ressource avec Julien Dray, Sébastien Le Foll, Rachid Temal ou encore Hélène Geoffroy. Mais il faut aussi des jeunes aux dents longues qui se mettent dans la roue du leader. C’est là que le bât blesse.
Virginie Martin ne prend pas de gants : "À part Lamia El Aaraje et peut-être un jour le député de l’Eure Philippe Brun, il faut le dire de façon crue : les soutiens de François Hollande, globalement, c’est un club de boomers." Pas de quoi créer une espérance à gauche. Autre handicap, si la gauche veut un jour arriver au pouvoir, elle doit rassembler.
Or, pour les Insoumis, les Verts et une partie non négligeable du parti à la rose, François Hollande est un repoussoir absolu, notamment dans la nouvelle génération. Face aux difficultés, François Hollande reste zen, bonhomme et serein. En bon fauve politique, il rappelle que, quelques mois avant de battre Nicolas Sarkozy et d’aménager à l’Élysée, son surnom était "Monsieur 3 %".
Lucas Jakubowicz